Départs des chercheurs de l’Isra et de l’Ita: Une fuite des cerveaux qui profite aux universités

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L’Institut sénégalais de recherche agricole (Isra) et l’Institut de technologie alimentaire (Ita) font face à un véritable fléau qu’on croyait exister seulement entre le continent africain et le reste du monde, notamment l’Occident : la fuite des cerveaux. En effet, nombreux sont les chercheurs de ces instituts qui ont préféré regagner des universités et d’autres instituts où ils sont de loin mieux rémunérés.

L’Institut sénégalais de recherches agricoles (Isra) vit une fuite des cerveaux qui ne dit pas son nom. Bon nombre de chercheurs ont préféré servir dans les universités ou dans d’autres instituts qui leur offrent les meilleures conditions d’épanouissement et de rémunération. Plusieurs raisons sont invoquées : entre autres, le manque d’infrastructures et de moyens techniques, et surtout le confort salarial.

Pôle de recherche phare, l’Isra enregistre aujourd’hui de plus en plus de départs vers d’autres entités. Son directeur technique, El Hadj Traoré, l’a reconnu. «Ces départs des chercheurs ne datent pas d’aujourd’hui, mais récemment, ils se sont accentués», a-t-il témoigné.

A son avis, ces chercheurs sont enclins à aller dans ces universités pour améliorer leur statut social. La multiplicité des universités qui, pour la plupart, ont aujourd’hui des vocations de recherche agricole, est une aubaine pour eux. Pour le cas de l’Isra, Dr Traoré a souligné que jadis, peu de départs étaient enregistrés vers l’Ecole nationale supérieure d’agronomie (Ensa) de Thiès ou l’ancienne Ecole nationale des cadres ruraux de Bambey (Encr), actuel Isfar. Car, a estimé celui-ci, il n’y avait pas autant d’universités et le différentiel salarial entre ces deux écoles n’était pas aussi élevé. Toutefois, au cours de ces dernières années, la donne a changé. «Malgré la révision du règlement intérieur de l’Isra et la revalorisation des salaires, un départ massif de chercheurs a été noté», a-t-il constaté.

Pour lui, cela se justifie par les efforts des universités tendant à améliorer leur régime de retraite. «Les universitaires ont également amélioré leurs salaires de façon substantielle. De plus, une révision de grades s’est faite. Ce qui n’est pas le cas à l’Isra. À diplôme égal, grade égal, les professeurs de l’université sont nettement mieux payés», a observé Dr Traoré, pour le regretter.

Revoir la situation des chercheurs de l’Isra

De son point de vue, ces départs massifs des chercheurs ne profitent pas à l’Isra reconnu comme centre d’excellence de la recherche. Et de plaider pour que l’université et la recherche aient les mêmes conditions de traitement salarial. Car, a-t-il fait remarquer, même si les appellations diffèrent, les professeurs et les chercheurs sont évalués dans les mêmes conditions au Cames. D’après lui, lorsque le chercheur est recruté, il devient un chargé de recherches, l’équivalent de maître-assistant dans les universités. Ensuite, ce dernier passe à maître de recherches, l’équivalent de maître de conférences, puis chercheur de rang magistral et finit par le grade de directeur de recherche qui est l’équivalent de professeur titulaire. Et de rappeler qu’en Conseil des ministres, le Président Macky Sall avait demandé qu’on applique aux chercheurs tous les avantages attribués aux enseignants en termes de réformes et autres valorisations.

L’Isra n’est pas le seul institut de recherche qui traverse une telle situation. L’Institut de technologie alimentaire (Ita) n’échappe pas également au phénomène. Créé en 1963, cet établissement public œuvrant dans le secteur de la recherche-développement en alimentation et nutrition a également connu la fuite des cerveaux. Selon son directeur de la recherche et du développement, Dr Momar Talla Guèye, cet institut a également enregistré le départ de quelques chercheurs, mais aussi des agents de l’administration. Toutefois, il a reconnu que ces départs ne sont pas aussi importants que ceux relevés à l’Isra.

Expliquant ces départs, il les a liés aux questions d’ordre salarial. Dr Guèye a estimé que bien qu’il y ait un nouveau règlement d’établissement à l’Ita, les salaires ont été plus revus à la hausse dans les universités. Ce qui favorise le départ des chercheurs pour les amphithéâtres. «S’agissant de la retraite, nous avons un retard à rattraper, car la pension a été revue au niveau des universités, de même que l’âge d’aller à la retraite ; ce qui n’est pas le cas à l’Ita. On nous refuse toujours d’aller jusqu’à l’âge de 65 ans», a-t-il renseigné.

Dans son entendement, ces facteurs réunis encouragent les jeunes chercheurs à partir avant d’atteindre un âge couperet qui les éliminerait de la compétition. Il arrive, a expliqué Dr Momar Talla Guèye, que l’Ita perde également des chercheurs chevronnés, comme ce fut le cas l’année dernière. Ayant déploré de tels départs, il a soutenu qu’un chercheur n’est bon qu’après ses 15 ans d’expérience. «Il devient beaucoup plus performant à cette période de sa vie. Donc, en quittant, il peut vraiment laisser un vide», a-t-il affirmé.

Maguette Guèye DIEDHIOU

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