Abattage des caïlcédrats à Thiès : Un patrimoine en péril

A Thiès des centaines de caïlcédrats, incarnant un charme écologique qui depuis l’époque coloniale berce les férus de la nature, disparaissent progressivement du fait de l’abattage, l’élagage abusif et l’écorçage illicite. Une situation qui inquiète des mouvements citoyens, dont Y’en a marre/section Thiès qui exige l’arrêt immédiat de ce massacre. Le Service des eaux et forêts, lui, précise que l’abattage et l’élagage répondent à une procédure bien précise. Avant d’annoncer un programme de reboisement de 40 mille caïlcédrats pour reconstituer le peuplement vieillissant de ces arbres emblématiques de la Cité du Rail.

Par Ndèye Fatou NIANG (Correspondante) – Le caïlcédrat ne se porte pas bien à Thiès. L’arbre, qui constitue un patrimoine écologique et culturel de cette ville, est gravement menacé par diverses agressions d’origine anthropique. Qui ont pour noms : abattage, élagage abusif et écorçage illicite. Un massacre ! Aussi, d’autres déperditions sont régulièrement enregistrées du fait de la vieillesse des sujets et de l’absence d’un Pro­gramme de traitement sylvicole approprié. En clair, cette espèce est en voie de disparition. Une situation qui pousse le mouvement Y’en a marre, section de Thiès, à demander l’arrêt immédiat de l’agression permanente exercée par l’homme sur cet arbre emblématique de la Cité du Rail. Pour le mouvement citoyen, aucun motif ne justifie aujourd’hui cette forte agression exercée sur ces caïlcédrats légendaires qui constituent un patrimoine important dans la préservation de l’écosystème, se trouvant dans toutes les grandes artères de la ville et les bases militaires. Ainsi Bassirou Diop, coordonnateur du mouvement, et ses camarades plaident la préservation de ce patrimoine. Pour cela, ils demandent au Service régional des eaux et forêts de Thiès de mettre un terme à la délivrance des permis d’abattage. «Il est constaté un mouvement d’abattage clandestin de caïlcédrats ou khaya en wolof.» Conséquences : «Les arbres sont en train de tomber un à un dans la ville. A ce rythme, cette espèce historique risque de disparaître à jamais à Thiès. Et pourtant, il s’agit d’un patrimoine qui constitue même son identité. C’est pourquoi nous avons observé ce sit-in devant le Service régional des eaux et forêts pour dire stop à ce désastre», indique Bassirou Diop qui annonce «un recensement de tous les caïlcédrats à Thiès et procéder à leur dénomination afin de préserver ce patrimoine». Et dans ce cadre, «des partenariats sont en train d’être scellés avec des organisations non gouvernementales pour atteindre cet objectif». A l’en croire, «la vieillesse des arbres ne saurait justifier un tel massacre. Il faut aller vers un encadrement et un plan de remplacement», dit M. Diop. En réponse, le commandant Daouda Ndiogou, chef du Service des eaux et forêts de Thiès, précise que l’abattage et l’élagage répondent à une procédure bien précise. Il explique : «Il faut d’abord formuler une demande, la déposer au niveau de la mairie. La requête est transférée ensuite au Service des eaux et forêts, lequel dépêche une équipe sur les lieux pour vérifier la véracité du risque, avant de délivrer un permis d’abattage ou d’élagage.» Il ajoute : «On vérifie si réellement l’arbre constitue un danger. C’est sur cette base qu’un avis est donné. S’il est avéré qu’il y a un danger, l’avis est favorable. Et dans le cas contraire, c’est le rejet pur et simple», avant d’estimer qu’au cours de cette année 2021, «sur les 99 demandes reçues, le Service des eaux et forêts de Thiès n’a délivré que 22 autorisations, dont 12 d’élagage et 10 demandes d’abattage».

Promesse de repeuplement
Commandant Ndiogou poursuit : «Chaque fois qu’une autorisation d’abattage ou d’élagage est donnée, l’objectif est de protéger l’être humain qui constitue l’alpha et l’oméga de la gestion durable des ressources. Nous ne donnons pas d’autorisations tous azimuts, mais nous le faisons dans un seul but : protéger l’être humain», a-t-il indiqué, évoquant le cas d’un arbre qui s’était effondré durant l’hivernage 2019, tuant une jeune dame. «Pour éviter de telles tragédies, le service prend toutes les dispositions idoines. Mieux vaut abattre les khayas avant qu’ils ne s’abattent sur les individus», dit-il, non sans ajouter que «depuis cet incident, les populations introduisent des demandes d’élagage ou d’abattage, par mesure de précaution». Outre cette précision, le patron des Eaux et forêts de Thiès annonce un programme de reboisement de 40 mille caïlcédrats qui sera bientôt lancé à Thiès pour reconstituer le peuplement vieillissant de ces arbres emblématiques de la Cité du Rail. «Le peuplement de caïlcédrats est vieillissant. Il faut nécessairement le reconstituer», a-t-il dit, rappelant que leur plantation avait démarré en 1900 au quartier Ballabey de Thiès et s’était poursuivie jusqu’en 1945, sous la houlette de l’Administration coloniale. Ces arbres centenaires menacent de plus en plus de tomber. Le dernier inventaire de 2003 faisait état de 3 188 pieds de caïlcédrat. Un autre inventaire est prévu prochainement pour déterminer le rythme de disparition de ces arbres ombragés, qui bordent de nombreuses avenues de la ville. «Un vaste programme a été mis en place pour reboiser l’ensemble de la ville de Thiès. Ce programme est axé sur la production de 40 mille arbres. Et la mise en œuvre va se faire en synergie avec les collectivités territoriales et les différents partenaires, notamment le mouvement ‘’Thiès en marche’’ et de l’ensemble de la population, dans une approche inclusive et participative.» D’ailleurs, un concept accompagne ce programme. Il s’agit d’«Une concession, un arbre» qui consiste à planter des arbres dans chaque concession, cha­que quartier, en vue de restaurer cet écosystème qui est le «khaya senegalensis» de son nom scientifique. Déjà, indique-t-il, «après chaque abattage d’un arbre, il est procédé à un reboisement compensatoire, en vue de pérenniser l’espèce». Il donne l’exemple l’école de la cité Ibrahima Sarr ex-Ballabey et de l’avenue El Hadji Malick Sy.
A savoir que ces caïlcédrats ont été plantés à Thiès à partir de 1933, en tenant compte des contraintes climatiques et pédologiques. Arbre d’une grande utilité, avec le caractère très ombrageux qu’il donne aux artères, le caïlcédrat a été souvent choisi comme arbre parrain des campagnes nationales de reboisement comme en 1995, 1996, 2014 et 2015. Le recensement des caïlcédrats de la commune de Thiès, effectué en 2003 par le Service forestier de Thiès, faisait état de 3 188 arbres vivants.

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