Le passeport vaccinal pourrait-il être utilisé au quotidien?

La création d’un passeport vaccinal pour pouvoir voyager semble de plus en plus inévitable, à mesure que la campagne de vaccination progresse au pays et à travers le monde. Mais serait-il réaliste de penser pouvoir utiliser une telle preuve de vaccination au quotidien sans brimer les droits de chacun?

À Ottawa, on travaille à la mise au point d’un certificat de vaccination contre la COVID-19 en prévision du jour où l’immunisation des Canadiens sera suffisamment avancée pour leur permettre de voyager à l’étranger.

En fait, selon la ministre fédérale de la Santé Patricia Hajdu, il est désormais admis qu’il faudra détenir un certificat de vaccination ou un passeport vaccinal pour voyager à l’étranger, du moins jusqu’à ce que la pandémie soit terminée. 

Plusieurs pays s’apprêtent en effet à exiger des preuves de vaccination pour franchir leurs frontières, tandis que d’autres ont déjà mis en place une telle mesure, comme le Danemark ou Israël.

Du côté de Québec, le ministre de la Santé Christian Dubé a déjà manifesté son intérêt pour la création d’un passeport vaccinal qui permettrait d’accéder à certains lieux publics. Il a même mandaté une équipe spécialisée en technologie de l’information pour se pencher sur la création d’un tel « passeport digital ».

M. Dubé a également demandé à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) de déterminer dans quelles circonstances cela pourrait être utilisé. Mais son directeur, le Dr Horacio Arruda, n’a pour le moment manifesté peu d’intérêt pour cette mesure dont les avantages sont surestimés, selon lui.

Il pense d’ailleurs qu’une preuve de vaccination risque de n’être utilisée que de manière marginale au Québec.

Un équilibre difficile à trouver

Reste que le comité d’éthique de l’INSPQ a rendu un avis favorable au passeport vaccinal, estimant que ses avantages sont légèrement plus importants que les inconvénients, mais seulement pour les domaines du voyage et des loisirs. Le comité exclut d’emblée la possibilité d’exiger une telle preuve aux travailleurs pour accéder à des locaux, ce qui reviendrait à les obliger à se faire vacciner.

Le comité a estimé que la bienfaisance qui pourrait découler de certaines applications du passeport vaccinal est prépondérante sur les torts qu’elle pourrait entraîner, a réitéré Bruno Leclerc, président du comité, en entrevue à l’émission Les faits d’abord samedi.

Les valeurs que le passeport vaccinal permet de réaliser, à savoir les gains potentiels de liberté de mouvement, de santé physique, de bien-être psychologique et de reprise économique, l’emportent sur les torts qu’il pourrait entraîner, c’est-à-dire sur l’iniquité, a-t-il résumé.

Nathalie Des Rosiers, juriste spécialisée dans les droits de la personne et directrice principale du Collège Massey (affilié à l’Université de Toronto), n’est pas du même avis.

Selon elle, le passeport vaccinal pose beaucoup de problèmes. Le premier, c’est l’accès inégal à la vaccination qui va entraîner une discrimination évidente pour beaucoup de groupes, soutient-elle.

Il y a aussi une discrimination cachée. Il y a des gens qui ne peuvent pas se présenter à la vaccination parce qu’ils sont peut-être plus sensibles aux effets secondaires, ils ont peut-être des conditions qui ne les prédisposent pas à pouvoir avoir accès au vaccin.

Mais Bruno Leclerc doute que la population ne s’oppose à la mise sur pied d’une telle mesure.

Il émet toutefois un bémol : Il ne s’agit pas d’une panacée, prévient-il.

Aux yeux du comité, en fait, le passeport immunitaire serait certainement justifiable, mais comme mesure complémentaire aux gestes barrières et aux mesures de confinement qui existent actuellement. Et une mesure temporaire en attendant l’atteinte de l’immunité collective.

Me Des Rosiers estime tout de même qu’il y a une grande différence entre le fait d’utiliser un passeport vaccinal pour voyager et celui de l’imposer pour pouvoir prendre part à la vie citoyenne et limiter l’accès à certaines activités du quotidien, comme manger au restaurant ou assister à un spectacle.

Je pense que ça va causer beaucoup de problèmes, réitère-t-elle. On assujettirait tout le monde à une espèce de forme de discrimination […] et on ne sait pas pour combien de temps.

L’avocate estime en somme que cette mesure nuirait à l’appartenance sociale.

C’est une pente très glissante que d’aller vers cette affirmation de la santé avant de pouvoir accéder à la vie normale dans une société.Une citation de :Nathalie Des Rosiers, juriste spécialisée dans les droits de la personne

Je comprends parfaitement que l’on puisse décider que pour aller à l’étranger et répondre à des impératifs externes, on doive l’imposer, mais pour participer dans les endroits où l’on vit, je pense que c’est aller trop loin.

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