Niayes, au cœur des zones de production horticole : De l’or vert à exploiter judicieusement

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Derniers jours du mois de novembre 2020. Nous sillonnons quelques localités de la zone des Niayes. Un état des lieux s’impose dans cette principale région de production légumière du pays. Dans les différents lieux de production horticole, nous sommes allés à la rencontre des techniciens du secteur, producteurs maraîchers, revendeurs et consommateurs.

Ils sont formels : «Assurant 80 % des légumes consommés à Dakar et constituant des points de départ de candidats à l’émigration clandestine, cette zone des Niayes, judicieusement exploitée, pourrait ouvrir de nouvelles perspectives de développement au Sénégal et favoriser la création d’emplois pour les jeunes».

Notre randonnée commence par Diogo, dans le département de Tivaouane. Ladite localité polarise plusieurs sites de production où tous les corps de métiers liés à l’horticulture sont représentés : tous types de véhicules pour transporter les végétaux, les manutentionnaires, les grossistes, les détaillants, etc. Un peu plus loin à Diogo sur mer, on trouve des ouvriers de la charpenterie marine, des peintres travaillant à décorer les embarcations, des tisseurs de paniers en rônier servant à convoyer le poisson vers les camions frigorifiques des mareyeurs. Tous participent à la vie de Diogo dont les deux mamelles nourricières sont la pêche artisanale et le maraîchage, avec comme cultures dominantes, le chou et l’oignon vert.

Ces dernières années, il y a un véritable retour vers la terre à Diogo. Les jeunes, las de traîner dans les rues des grandes villes ou de se faire arnaquer par les vendeurs de mirages, ont repris le chemin des périmètres maraîchers, abandonnant le rêve de l’émigration clandestine. Ce qui n’est pas le cas à Cayar, notre deuxième étape où des jeunes continuent de braver les dangers de l’océan pour rallier l’Europe. Sur ce site qui polarise les villages de Ndiokhob Guédji, Mbawane, Beer, Tieudem, Keur Abdou Ndoye et Ndoyène, la pomme de terre nourrit bien son homme. Cette spéculation occupe principalement les résidents et leurs « sourgueu » (saisonniers) confrontés au problème d’extension des terres de culture. L’économie de cette partie des Niayes est également scellée autour de l’arboriculture favorisée par le relief et la proximité de l’eau douce dans les nappes phréatiques. De vastes dépressions, qui sont d’anciens lits de rivières gorgés d’eau douce, sont indiquées, entre Keur Mbir Ndao et Notto-Gouye-Diama, pour les cultures fruitières dont des manguiers, alors que dans la zone de Thiarangal se multiplient le palmier à huile, les cocotiers et les agrumes (orangers, mandariniers et citronniers).

Dans toutes les zones de productions légumières, les maraîchers, confrontés à la poussée démographique et à la sauvegarde des réserves foncières, souhaitent une extension des surfaces cultivables sur le déclassement d’une partie du périmètre de restauration, un domaine sur lequel veillent de manière stricte les services des Eaux et Forêts. Ces terres fertiles sont prisées par les producteurs qui saluent le nouvel envol pris, ces dernières années, par l’horticulture qui utilise une importante force de travail que sont des milliers de jeunes gens à Cayar, mais aussi dans la zone de Mboro, au « Carrefour des Niayes ». Sur les différents axes y menant, on voit les semences se mettre en place et des producteurs qui, dès 9 h du matin et par 30° à l’ombre, aménager des parcelles et espérer arracher à la terre nourricière des moyens de subsistance tirés de l’horticulture.

A Fass-Boye, zone de prédilection de la culture de la carotte, à Lompoul et Potou, terres d’élection de l’oignon, les maraîchers rencontrés se félicitent de la subvention, par l’Etat, des semences et de l’engrais pour les mettre dans les conditions maximales d’une bonne production. Faut-il rappeler que le même Etat ferme, chaque année, le marché à l’importation de la pomme de terre et de l’oignon pour permettre aux maraîchers d’écouler tranquillement leurs productions au Sénégal et dans des pays voisins. Soutenant pouvoir assurer notre autosuffisance en légumes, les acteurs de la filière horticole sont, faute de magasins de stockage et de chambres froides pour préserver la surproduction, obligés de brader une bonne partie des végétaux produits car ils sont périssables sans conditionnement adéquat.
Dans cette agriculture horticole, qui n’est pas encore industrielle puisque les périmètres maraîchers sont de petite taille, l’on note une importante utilisation de produits chimiques pour traiter les plants contre les insectes nuisibles. Ils sont très peu nombreux à utiliser des produits propres pour traiter les sols qui, faut-il le rappeler, ne pourront durablement soutenir l’horticulture si le support sur lequel ils s’appuient et qui se trouve être l’environnement continue à se dégrader. D’où l’intérêt majeur que les différents acteurs concernés (services de l’Etat, partenaires au développement, associations de producteurs et populations.) doivent accorder à la protection de la nature.

Les exportations passent de 56 778 tonnes en 2012, à 122 148 tonnes en 2018

Entre 2012 et 2018, les exportations horticoles légumes et fruits sont passées de 56 778 tonnes à 157 500 tonnes. Des recettes comprises entre 65 et 80 milliards de Francs CFA ont été générées par an, selon la direction de l’Horticulture. Tout comme la production, les exportations horticoles légumes et fruits ont contenu une augmentation. De 56 778 tonnes en 2012, le volume est passé à 122 148 tonnes en 2018, soit une hausse de +115,13%.

Entre 65 et 80 milliards de FCFA générés par an

Par rapport à l’objectif de 157 500 tonnes qui a été fixé à l’horizon 2018 dans le Programme d’accélération de la cadence de l’agriculture sénégalaise (Pracas) comprenant 100 000 tonnes pour la zone du Projet de développement inclusif et durable de l’Agri business au Sénégal (Pdidas), et 57 500 tonnes pour la zone hors Pdidas, le taux de réalisation a été de 77,55%. Ces exportations sont essentiellement tirées par la mangue avec 19 450 tonnes. 16 730 tonnes vers l’Union européenne et 2 750 tonnes fournies à la sous-région, soit 18% du volume total exporté en fruits et légumes en 2019. Le maïs doux arrive en 2ème position avec 19 125 tonnes, soit 17,7%, suivi du melon (16,6%), de la pastèque (13%), du haricot vert (11%) et des autres produits.

Les exportations fruitières et légumières ont positivement impacté l’économie nationale selon la direction de l’Horticulture. A l’en croire, des recettes considérables évaluées à 65 milliards par an en moyenne sur la période de 2012 à 2019, et 75 à 80 milliards par an entre 2017 et 2018 ont été générées. Ce qui constitue, aux yeux de l’organe, une contribution à l’équilibre de la balance commerciale, à la promotion de l’Origine Sénégal pour les fruits et légumes, à l’accroissement et la diversification de l’offre exportable, ainsi qu’à la réduction de la pauvreté et la création massive d’emplois décents et durables, « y compris, non-agricoles et à forte productivité et valeur ajoutée».

Chou et oignon vert : À Diogo, dans les Niayes, ça rapporte gros

Le maraîchage fait vivre à Diogo. L’activité se développe d’année en année à travers la culture du chou et de l’oignon vert qui sont les spéculations les plus cultivées, à côté de la pomme de terre et de l’oignon. Les récoltes sont attendues dans les prochains mois.

Le vent caniculaire qui souffle à Diogo balaie son ample caftan bleu. Malgré l’âge avancé et le soleil brûlant, Assane Dièye déborde d’énergie. Plongé avec passion dans un débat sur la culture horticole, il presse le pas, devance ses hôtes pour ouvrir le portail de son champ. Regard timide, sueur coulant sur les rides de son visage, l’un des plus grands producteurs de Diogo nous propose une visite guidée de son périmètre maraîcher. Le doigt constamment agité, Assane présente d’abord la surface occupée par ses fils. Après plusieurs semaines de culture, les plants d’oignon vert recevant l’eau distribuée par des canaux alimentés à partir d’un mini-forage de 12 mètres de fond, gagnent en hauteur. Avec le vent et la chaleur, certains sont à terre. Mais, il ne faut pas trop s’inquiéter, selon le maître des lieux. « Ce sont les lois de la nature, un peu d’ombre les aidera à se relever », rassure-t-il.

À Diogo, la spéculation dominante, depuis des années, c’est le chou. Sur des hectares, cette légume est cultivée. Ses feuilles d’un vert éclatant s’étendent et enveloppent la pomme qui se développe à des dimensions variables. Le compost utilisé pour améliorer le rendement est disséminé sur les tracés de sol et même sur la légume. La production de ces végétaux est l’activité d’Assane Dièye depuis plusieurs décennies. C’est d’ailleurs cette réputation de grand producteur qui l’a propulsé à la tête de l’Association des producteurs maraîchers de Diogo (Apmd). « Ne crois à celui qui se dit ou se définit comme agriculteur que lorsque tu le trouves en situation de travail, dans son champ, trempé de sueur, sous le chaud soleil », répète le vieux Assane Dièye, visage égayé par un radieux sourire. Depuis qu’il a hérité des terres de son défunt père, il n’a jamais quitté le maraîchage. C’est tout son espoir, une passion infinie. « Je suis né dans le maraîchage. La terre m’a tout donné. Ces dernières années, le maraîchage se développe de plus en plus dans les Niayes, avec des centaines de milliers de tonnes tirées par différentes spéculations», constate-t-il, accroupi à l’ombre d’un citronnier et présentant des produits chimiques utilisés dans le traitement phytosanitaire.Après la récolte et la vente, ses bénéfices annuels sont estimés à 40 millions de FCfa. Malgré cette enveloppe conséquente, il ne manque pas d’ambitions car il continue de louer ou d’acheter des terres pour étendre son activité. « La surface derrière, je l’ai prise en location, moyennant 600.000 Fcfa par campagne. Celle de devant, je l’ai achetée à 4 .500.000 FCfa pour les enfants », révèle-t-il, serein, toujours sur ses appuis malgré la longue distance parcourue en kilomètres.

Ndiol Maka SECK, Demba DIENG, et Cheikh Aliou AMATH

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