Fratelli d’Italia, parti post-fasciste aux portes du pouvoir

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Seul parti d’opposition durant le gouvernement d’union nationale de Mario Draghi, Fratelli d’Italia semble bien placé pour remporter les élections anticipées du 25 septembre en Italie. Xénophobe, à la fois libérale et sociale, la formation post-fasciste pourrait voir sa secrétaire, Giorgia Meloni, devenir la prochaine présidente du Conseil. 

Je suis une femme, je suis une mère, je suis italienne, je suis chrétienne et vous ne me le retirerez pas » : Giorgia Meloni, la secrétaire du parti post-fasciste Fratelli d’Italia (Frères d’Italie), aime à répéter ce mantra médiatique lors de ses meetings. Née dans un milieu plutôt populaire par comparaison à celui dont sont habituellement issues les élites italiennes, cette journaliste de 45 ans récolte les fruits de son pari gagnant.

Sa formation est en effet la seule à ne pas avoir rejoint la coalition d’union nationale de Mario Draghi, qui s’est effondrée mercredi. Seul parti d’opposition depuis février 2021, Fratelli d’Italia s’est hissé au fil des mois à la tête des sondages.

« Durant un an et demi, toutes les rancœurs et tous les mécontentements des Italiens n’ont eu qu’un seul débouché, Fratelli d’Italia », analyse l’historien, spécialiste de l’Italie à Sciences Po, Marc Lazar. « C’est pourquoi il a beaucoup progressé lors des élections locales et qu’il est maintenant, selon les sondages, l’un des premiers partis politiques du pays. »

Flamme fasciste, propos ambigus et nostalgie 

Au coude à coude dans les sondages avec le Parti démocrate (gauche), mais favorisé par le système électoral italien et son alliance avec la Liga et Forza Italia, Fratelli d’Italia pourrait ainsi faire carton plein en automne prochain. Sa cheffe, Giorgia Meloni, pourrait succéder à Mario Draghi en devenant la première femme à présider le Conseil des ministres. Et ce, malgré son passé trouble et ses liens avec les post-fascistes italiens.

Né en 2012 des cendres du Mouvement social italien, un mouvement post-fasciste, Fratelli d’Italia a entrepris un lent travail de dédiabolisation pour combattre sa réputation sulfureuse. Giorgia Meloni dément ainsi tout lien avec les idées de Mussolini, tout en se gardant bien de condamner son règne.

« Dès sa jeunesse, Giorgia Meloni a été militante d’un parti post-fasciste », rappelle Piero Ignazi, professeur émérite à l’université de Bologne et spécialiste de Fratelli d’Italia. « Son identité est en grande partie liée à des traditions post-fascistes. Mais son programme mélange cette tradition à certains éléments conservateurs et néolibéraux, comme la liberté d’entreprise et de licenciement. »

Fratelli d’Italia compte ainsi dans ses rangs certains nostalgiques du « Duce », son journal, le Secolo d’Italia, tient des propos ambigus… et le logo du parti arbore le flambeau cher à la mystique fasciste. Mais son programme articule libéralisme économique et conservatisme sociétal, politique nataliste et positions anti-musulmans, anti-Roms et anti-immigration, et le parti entretient des liens avec la droite traditionnelle.

Se présentant comme le garant des traditions, de la famille et de l’identité nationale italienne, Fratelli d’Italia souhaite la création de crèches gratuites et la mise en place d’allocations familiales de 400 euros, des propositions sociales qui font écho à la politique nataliste mise en place par l’État italien des années 1930. Le parti s’oppose dans le même temps à la reconnaissance des couples homosexuels et aux droits des LGBT et milite pour la fermeture des ports italiens aux migrants venus de Libye.

Proximité avec Orbán et Maréchal 

La recette est connue de toutes les démocraties occidentales… Meloni ne cache d’ailleurs pas sa proximité avec le Hongrois Viktor Orbán, les Espagnols de Vox ou le Rassemblement national français. D’ailleurs, elle est souvent comparée à Marion Maréchal, la petite-fille de Jean-Marie Le Pen. Elle a également réussi à s’intégrer à la droite américaine, en assistant à la « Conservative Political Action Conference » et au « National Prayer Breakfast » aux côtés de Donald Trump.  

La guerre en Ukraine et la perspective du pouvoir semblent néanmoins avoir fait changer certaines lignes du parti. Après une volte-face sur le droit à l’avortement, qu’elle s’est engagée à conserver malgré sa foi catholique, Meloni a changé d’avis sur ses relations avec la Russie.

Atlantisme ferme 

Alors que la Liga d’extrême droite de Matteo Salvini et la Forza de Silvio Berlusconi (centre-droit), ses alliées, sont réputées proches de Vladimir Poutine, Giorgia Meloni a affiché une position atlantiste ferme depuis le début du conflit. Elle a ainsi rejoint Mario Draghi dans sa décision de livrer des armes à l’Ukraine.

Fratelli d’Italia a aussi nuancé ses positions eurosceptiques et ne se prononce pas pour une sortie claire et nette de l’Union européenne et de la zone euro, affirmant préférer une « Europe des Nations ». Une position plus simple à articuler avec la manne européenne de 200 milliards d’euros négociée par Draghi pour la relance de l’Italie, remarque Marc Lazar.

« Meloni met en avant sa cohérence et sa capacité de travail », explique le chercheur. « Seule femme dans un milieu et une famille politique très masculins, elle a organisé une convention en mai 2022 qui lui a permis de s’entourer d’intellectuels et de politiques marqués à droite, mais qui n’appartiennent pas à la mouvance de la droite la plus extrême. Cela l’aide à se présenter comme apte à gouverner. »

Victoires électorales 

Élue députée à 29 ans, nommée ministre de la Jeunesse à 31 ans, Giorgia Meloni mise ainsi sur son sérieux et un entourage présentable, tout en jouant sur ses origines populaires et sa féminité, rares dans le monde politique italien. La mixture semble avoir pris, bien au-delà de son électoral sudiste traditionnel : Fratelli d’Italia a remporté plusieurs victoires aux élections locales dans le Nord, dominé jusque-là par la Liga, et a fait un bon score à Palerme, acquise à la gauche depuis 40 ans.

Mais si la stratégie s’est révélée payante jusque-là, les choses risquent cependant de se compliquer en cas de victoire – probable – aux élections, nuance Marc Lazar. « Le système électoral italien est ainsi fait que la coalition dite de ‘centre droit’, qui réunit Forza Italia, la Liga et Fratelli d’Italia, a le plus de chances de l’emporter face aux candidats du parti démocrate ou du Mouvement 5 Étoiles, qui se présenteront certainement chacun de leur côté », explique le chercheur. « Cette coalition est une machine de guerre électorale. Mais leurs divergences risquent d’éclater une fois qu’ils seront arrivés au pouvoir et de poser une série de questions sur la gouvernementalité du pays. »

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