Euthanasie: 5 questions autour de la proposition de loi étudiée aujourd’hui à l’Assemblée

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Le débat sur la fin de vie continue à diviser. Alors que la très controversée proposition de loi pour la légalisation de l’euthanasie est étudiée ce jeudi 8 avril à partir de 15 heures par l’Assemblée nationale, Le Figaro répond à cinq questions qui entourent ce texte.

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De quoi parle-t-on ?

La proposition de loi «donnant et garantissant le droit à une fin de vie libre et choisie» a été déposée le 17 octobre 2017 par le député de Charente-Maritime Olivier Falorni. Il est défenseur de longue date d’un droit à l’euthanasie pour les personnes souffrant d’une maladie incurable. Mardi, le député a estimé «qu’il y avait entre 2000 et 4000 euthanasies clandestines chaque année en France»Pour lui, «ce texte est une grande loi de liberté».

Inversement, de nombreux députés sont réticents au vote de cette loi, et un peu plus de 3000 amendements ont été déposés. Même si aucune utilisation du terme «euthanasie» n’est faite dans le texte, l’objectif est d’ouvrir un recours à une «assistance médicalisée active à mourir» pour toute personne «capable et majeure, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable», ne pouvant être «apaisée» ou jugée «insupportable».

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Que contient cette proposition de loi ?

Le texte proposé ce jeudi à l’Assemblée nationale en séance plénière regroupe 5 articles. Le premier article propose «une mort rapide et sans douleur» avec une «assistance médicalisée». Cette dernière est définie comme «la prescription à une personne par un médecin, à la demande expresse de celle-ci, d’un produit létal et l’assistance à l’administration de ce produit par un médecin ». Toutefois, une clause de conscience pour les médecins est prévue : «Ils ne sont pas tenus d’apporter leur concours à la mise en œuvre d’une assistance médicalisée active à mourir.»

L’article 2 détaille la procédure : «Lorsque (…) une personne demande à son médecin traitant une assistance médicalisée active à mourir, celui-ci saisit sans délai deux autres praticiens, dont au moins un est spécialiste de l’affection dont souffre le demandeur.» Ces derniers «examinent ensemble la situation médicale de la personne». Il est également précisé que le malade peut se rétracter à tout moment.

L’article 3 dispose que les personnes qui ne sont plus en capacité de s’exprimer peuvent avoir accès à l’euthanasie, à la condition que cette demande figure expressément dans leurs directives anticipées ou qu’elle soit relayée par leur personne de confiance. Le Dr Claire Fourcade, présidente de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap), s‘est alarmée auprès du Figaro en début de semaine: «Le risque de dérives est immense et nous perdrions le droit à l’inconstance de nos désirs. Cela ouvrirait un champ considérable de patients potentiellement concernés, allant jusqu’aux personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer».

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Pourquoi la loi a-t-elle peu de chances de passer?

Plusieurs raisons amènent à penser qu’il sera difficile pour les membres de l’hémicycle de voter le texte. Tout d’abord, à cause du débat houleux qui risque d’animer l’Assemblée. En effet, cette loi est considérée par certains comme une «ultime liberté», et par d’autres comme une «transgression majeure». Dimanche dernier, dans le JDD, 272 députés ont affirmé dans une tribune leur volonté de «débattre et de voter».

Le débat divise également au sein du groupe Les Républicains. Un collectif de députés et sénateurs LR, à l’initiative de Marine Brenier, députée des Alpes-Maritimes, s’est déclaré favorable à l’évolution de la loi vers une « aide active à mourir » dans une tribune au journal Le Monde.

D’autres, au contraire, se sont élevés contre la proposition de loi, dans une tribune publiée dans Le Figaro mercredi 7 avril. Pour eux, cette initiative est à la fois «étrange, incongrue, provocatrice et méprisante pour tous ceux qui se battent chaque jour pour sauver des vies». Ces députés LR sont appuyés par un soutien de taille : Jean Leonetti, auteur de deux lois sur la fin de vie, votées à l’unanimité en 2005 et en 2016. Il voit dans l’euthanasie active une «transgression majeure», et déclare au Figaro que celle-ci «ne résoudra pas toutes les problématiques de fin de vie». Marine Le Pen a également jugé la réouverture de ce débat «indécente», au moment où «nous nous battons pour sauver des vies».

Autre raison qui laisse penser que le texte pourrait ne pas être voté : le temps imparti pour l’analyser. En effet, les députés ont jusqu’à ce soir minuit pour examiner la loi. Or, un peu plus 3000 amendements ont été déposés, dont 2300 par des députés Les Républicains qui se montrent hostiles au texte. Il sera donc compliqué d’examiner tous les amendements déposés avant ce soir, et donc, permettre le vote du texte.

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Que dit la loi aujourd’hui sur la fin de vie en France ?

Un droit au «laisser mourir» a été instauré avec la loi Leonetti en 2005. En 2016, le législateur est allé plus loin : avec la loi Claeys-Leonetti, il est dorénavant autorisé une «sédation profonde et continue jusqu’au décès».

Pour les parlementaires hostiles à ce nouveau texte, il conviendrait mieux tout d’abord d’appliquer la loi Claeys-Leonetti actuelle qui prévoit tout de même cette sédation profonde pouvant mener à la mort, mais sans euthanasie active.

Pour les partisans de la nouvelle proposition de loi étudiée ce jeudi, les textes actuels sont insuffisants. D’après Europe 1, cinq ans après l’adoption de la loi Claeys-Leonetti, 26 départements français ne disposent toujours pas d’une unité de soins palliatifs.

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Quid des pays en faveur de l’euthanasie ?

Alors que la majorité des pays interdit le suicide assisté, la Belgique, le Canada, la Suisse, les Pays-Bas, le Luxembourg, l’Espagne, le Portugal, les États-Unis et la Colombie l’autorisent.

Olivier Falorni s’est notamment appuyé sur l’exemple de plusieurs pays étrangers, notamment la Belgique, pour la proposition de loi étudiée ce jeudi. En effet, en Belgique, depuis 2002, il est permis de pratiquer l’euthanasie, mais à certaines conditions bien précises. En 2014, ce droit a été étendu aux mineurs.

Aux Pays-Bas, le suicide assisté est légal depuis une loi du 12 avril 2001. De plus, l’euthanasie est autorisée pour les enfants de plus de 12 ans, avec le consentement de leurs parents.

Le 18 mars 2021, le Parlement espagnol a voté une loi autorisant l’euthanasie, lorsque le soignant donne la mort au patient, mais aussi le suicide assisté, lorsque le patient prend lui-même la dose prescrite. Cependant, elle n’est pas encore entrée en vigueur.

Le Portugal a également adopté le vendredi 29 janvier 2021 une loi autorisant «la mort médicalement assistée». Mais comme en Espagne, elle n’est pas encore entrée en vigueur.

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Au Luxembourg, l’euthanasie est légalisée depuis mars 2009 en cas de situation médicale «sans issue» , mais elle est interdite pour les mineurs.

Aux États-Unis, chaque État a sa propre loi sur le sujet : en tout, cinq États américains autorisent l’euthanasie.

La Suisse n’admet pas l’euthanasie active, mais celle passive et le suicide assisté sont tolérés.

Au Canada, une décision de la Cour Suprême du 6 février 2015 s’est penchée en faveur du suicide assisté, ce qui a rendu légale cette pratique depuis le 17 juin 2016.

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