Violence conjugale : où se mettre à l’abri quand il manque de refuges?

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Les sept féminicides perpétrés en sept semaines au Québec ont indigné la population comme la classe politique. D’un côté, les gouvernements fédéral et provincial assurent faire le nécessaire pour endiguer le fléau. De l’autre, des organismes soutiennent que des victimes ne peuvent se mettre à l’abri, faute d’hébergement.

Quand on [nous] demande de l’hébergement, on devrait toujours pouvoir dire oui, tranche Claudine Thibodeau, responsable du soutien clinique à SOS violence conjugale, en entrevue au Téléjournal avec Patrice Roy.

Quand quelqu’un appelle et demande de l’hébergement, c’est parce que la personne est acculée à une situation qui devient tout à coup trop dangereuse, pour elle-même ou ses enfants, explique la travailleuse sociale.

La ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, a évoqué mercredi une hausse de 12 % en cinq ans des signalements de violence conjugale compilés par les corps policiers du Québec.

À SOS violence conjugale, Claudine Thibodeau est aux premières loges de cette hausse. Depuis trois ans, la tendance est marquée. Pendant très longtemps, nos appels ont été stables, autour de 25 000 par année. Mais dans les trois dernières années, on est passé à 29 000, à 33 000, et cette année, à 40 000.

Cette hausse du nombre de demandes d’aide survient alors qu’il manque cruellement de places en hébergement, qu’il s’agisse des refuges d’urgence, des maisons dites de deuxième étape – qui accueillent les femmes après leur séjour en refuge d’urgence – ou des logements abordables et sécuritaires pour « l’après », signale Mme Thibodeau.

Dans environ 30 % des situations, on doit demander à la personne de nous rappeler plus tard [lorsque l’on doit trouver de l’hébergement]. Ça, pour mes collègues qui sont sur la première ligne au téléphone ou sur le clavardage, c’est extrêmement difficile, raconte-t-elle.

De toute urgence, ça prend des places. Il faut pouvoir mettre les gens à l’abri quand ils le demandent, peu importe la région où ils sont.Claudine Thibodeau, travailleuse sociale et responsable du soutien clinique à SOS violence conjugale

Besoin d’aide?

Contactez SOS violence conjugale au 1 800 363-9010 ou au sosviolenceconjugale.ca(Nouvelle fenêtre).

Des projets en suspens, faute de financement

Malgré ce contexte de pénurie, des organismes se sont récemment vu refuser les fonds nécessaires pour mener à bien des projets de maisons d’hébergement ou de logements sociaux.

C’est le cas de l’Alliance des maisons d’hébergement de 2e étape (MH2), qui avait déposé un projet auprès de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) dans le cadre de son Initiative pour la création rapide de logements (ICRL), financée par le gouvernement fédéral.

Celui-ci a été mis en suspens et ne sera pas priorisé. Et pas moyen de savoir s’il le sera dans le futur, a déploré Gaëlle Fedida, coordonnatrice aux dossiers politiques à l’Alliance MH2.

Pourtant, l’urgence est là, a-t-elle aussi dénoncé en conférence de presse, mercredi. Le taux de refus des demandes d’hébergement auprès des maisons de l’Alliance MH2 est de 75 % à Montréal. Dans le climat actuel où les féminicides en contexte conjugal se multiplient, […] il est consternant de voir ce projet tomber à l’eau.

Malheureusement, les projets d’habitation de plusieurs organismes offrant du logement social aux femmes ont aussi été mis en suspens, a ajouté Mme Fedida.

C’est le cas d’initiatives des Habitations l’Équerre de Sherbrooke, qui souhaitait offrir 12 chambres pour femmes vulnérables, et de la Fédération régionale des OSBL d’habitation de la Montérégie et de l’Estrie (FROHME), qui aurait pu livrer 26 unités d’habitation en juillet prochain, et cinq autres dans les mois suivants.

Un transfert de fonds qui dérange

Les trois organismes déplorent le transfert de fonds du volet communautaire de l’ICRL du fédéral au provincial en janvier dernier, à hauteur de 115 millions de dollars. Le gouvernement du Québec s’en sert pour financer des projets qu’il a déjà annoncés, et dont l’argent avait été réservé dans des budgets antérieurs, ne laissant pas de sous pour de nouveaux projets comme les leurs, ont-ils dénoncé.

Ils demandent au gouvernement du Québec de soutenir leurs projets d’habitations rapidement au moyen des 115 millions obtenus de la SCHL dans le cadre de son récent programme, en plus de ceux déjà annoncés par le gouvernement du Québec dans ses budgets passés.

Sinon, pour nous, ce sont 115 millions de dollars qui disparaissent, a indiqué Martin Bécotte, directeur de la FROHME.

Du côté de Québec, la ministre Geneviève Guilbault a plutôt rappelé mercredi que son gouvernement avait déjà consacré 180 millions de dollars pour lutter contre la violence conjugale et qu’il avait augmenté de 30 % le financement des maisons d’hébergement pour les femmes aux prises avec ce problème.

S’il faut mettre encore plus d’argent et de ressources, elle a assuré que son gouvernement n’hésitera pas à le faire, non seulement pour aider les femmes, mais aussi en ajoutant des ressources en prévention et en santé mentale pour aider les hommes qui ont des problèmes de violence et de comportement.

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