Pertes post-récolte: L’équation persiste dans le delta et la vallée du fleuve

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L’éternel et épineux problème auquel les producteurs du delta et de la vallée du fleuve Sénégal sont régulièrement confrontés est relatif aux pertes post-récolte enregistrées à l’issue de la contre-saison sèche chaude et de la campagne hivernale de production agricole.

Des légumes aux céréales en passant par les fruits, le problème des Pertes post-récolte (Ppr) se pose, avec acuité, dans la région de Saint-Louis. Et les paysans ne ratent jamais la moindre occasion pour le remettre sur le tapis. Mamadou Sall, chercheur en poste au Centre de recherches agricoles de l’Isra de Saint-Louis, exhorte les cultivateurs à tout mettre en œuvre pour respecter scrupuleusement le calendrier cultural, les itinéraires techniques, les traitements phytosanitaires… De l’avis de cet expert, ces réflexes leur permettront d’éviter d’enregistrer des Ppr. Plus explicite, il a laissé entendre que le fait de récolter le paddy de la contre-saison sèche chaude au moment où les premières pluies diluviennes commencent à tomber pourrait engendre des conséquences désastreuses. Autrement dit, les producteurs doivent mobiliser toutes les énergies pour mettre en place les moissonneuses-batteuses, recruter les ouvriers agricoles chargés d’exécuter les tâches relatives aux différentes opérations pré-récolte, faire les derniers réglages visant à sécuriser la production, etc. L’essentiel, a poursuivi M. Sall, c’est de pouvoir récolter au moment opportun, « juste avant le démarrage de la campagne hivernale de production agricole ». Selon lui, il ne faut pas que les deux campagnes agricoles se chevauchent. Dans le cas échéant, a-t-il précisé, les paysans devront se surpasser, dans des conditions pénibles et désagréables, pour mettre le paddy bord-champ à l’abri des fortes pluies.

D’après ce chercheur, les estimations des Ppr peuvent aller jusqu’à 60 % de la production. Pour les cultures céréalières (le riz, le mil, etc.), protéagineuses (arachide, niébé, etc.) et autres chaînes de valeurs horticoles (oignon, pomme de terre, mangue, banane, etc.), les conséquences économiques et sociales engendrées par ces pertes post-récolte sont beaucoup plus désastreuses.

Pape Gaye et M. B. Diop, producteurs de tomate industrielle établis à Mboltogne, une localité de la commune de Diama, située à quelques encablures de l’usine de transformation de tomate de la Socas, semblent confirmer les propos du chercheur de l’Isra. Ils ont fait savoir que les problèmes auxquels ils sont, en général, confrontés sont relatifs aux traitements phytosanitaires et aux conditions très difficiles de convoyage de la production vers l’usine. « Nous mettons les bouchées doubles pour superviser la récolte, mobiliser les camions et transporter rapidement la production vers l’usine. Et malgré toutes ces précautions, il nous arrive, très souvent, d’enregistrer des pertes post-récolte très importantes qui nous causent de lourds préjudices et autres désagréments, au moment où nous devons nécessairement et impérativement rembourser le crédit aux institutions financières », ont-ils expliqué en chœur.

Ndèye Sarr, Penda Niane, Rokhaya Fall et autres productrices de la vallée domiciliées à Dagana, à Dimat et à Mbilor font comprendre qu’elles sont obligées de retenir leur souffle lors des évaluations des pertes économiques dues aux pertes après-récolte. « Nos champs de riz sont souvent inondés par les eaux de pluies.  La tomate industrielle étant un produit périssable, car ne supportant pas la chaleur, elle n’est pas donc bien conservée et perd une bonne partie de sa valeur avant d’arriver à l’usine. Il faut que l’État et ses partenaires nous aident à résoudre ce problème qui n’est pas pris en compte dans les différents projets et programmes de développement agricole mis en œuvre dans le delta et la vallée du fleuve Sénégal », ont-elles avancé.

Même son de cloche du côté des producteurs du Gandiolais. « Les pertes post-récolte annihilent tous les efforts que nous déployons pour produire de grandes quantités d’oignon », a dit Isma Sow, de la localité de Ricote. En écho, Eumeudou Mbaye et Awa Sène, domiciliés à Pilote-Barre et à Mouit-Gandiole, sont unanimes à reconnaître qu’il leur arrive fréquemment de vouloir écouler rapidement de l’oignon gorgé d’eau, faute d’un système de conservation adéquate. « Nous n’arrivons pas à conserver dans de bonnes conditions, finalement, cette production devient impropre à la consommation. Les autres producteurs maraîchers qui parviennent à sécher cette grande quantité d’oignon arrivent à tirer leur épingle du jeu et enregistrent de bons chiffres d’affaires, contrairement à nous », s’est désolé M. Mbaye.

À Mboumbaye et à Lakhrar (où l’on trouve des maraîchers maures très dynamiques et entreprenants), et à Dégou-Niayes, les producteurs d’oignon que nous avons interrogés attirent l’attention des pouvoirs publics sur les pertes de la production dues au système de transport défectueux, aux pistes rurales impraticables surtout durant la période hivernale…

Ces témoignages en disent long sur ces Ppr difficilement quantifiables et qui désignent, dans le milieu agricole, des pertes alimentaires incommensurables. Ces pertes quantitatives sont généralement enregistrées entre la récolte et la transformation, entre la récolte et la consommation. Elles peuvent être causées également par le manque ou l’éloignement des industries de transformation, la présence de la mouche des fruits, les conditions très difficiles d’accès aux marchés et aux infrastructures de conservation.

 Mbagnick Kharachi DIAGNE

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