Exclusif – Idrissa Seck dit non au troisième mandat 

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Il fallait oser, Idrissa Seck a osé hier jeudi, dans son fief des grandes messes électorales, pour dire avec la rhétorique et l’éloquence qu’on lui connait à l’illustre hôte du jour, en l’occurrence le Président Macky Sall qu’il y a un temps pour gouverner, un autre pour partir.

Sa prière sibylline, mais à la profondeur sans équivoque n’était peut-être pas celle qu’attendait le président Macky Sall venu à Thiès, dans le cadre d’une tournée économique ponctuée par un Conseil des ministres décentralisé. Mais le discours de Thiès détonne comme un acte fondateur de la rupture. Qui l’eut crut, à moins qu’ils en eussent discuté avant.

Mais il faut remonter à 2010, le 4 novembre précisément, où depuis la capitale française, le membre encore du Comité directeur du Parti démocratique sénégalais (PDS) qu’il était, envoyait à son « Frère Secrétaire général », en l’occurrence Me Abdoulaye Wade, une lettre dans laquelle Idrissa Seck lui disait que la messe était dite.

« (…) votre candidature pour un troisième mandat est inconstitutionnelle donc irrecevable. Le terme de votre mandat en cours est 2012 et ne peut être prorogé. »

Idrissa Seck a remis ça. Sans trembler, se permettant dans sa prière, lourde de sens de finir par la même chute de la lettre qu’il avait adressée à Me Wade : « « une mention honorable sur les langues de la postérité ».

Ce qui suit parle : « Il me Reste à présent pour conclure M. le président de la République, d’adresser une prière à votre endroit. Qu’il plaise au Seigneur des mondes de continuer à raffermir vos pas, à dilater votre poitrine, pour que vous acceptiez toutes critiques. Celles qui sont contributives, comme celles qui sont abusivement injustifiées.

C’est une des exigences du leadership et vous en êtes un remarquable. Qu’il continue d’apaiser votre cœur, de fortifier votre esprit, pour que les choix futurs que vous aurez à faire puissent vous valoir un parachèvement de votre parcours déjà exceptionnel d’une telle beauté qu’il n’y aura pas d’autres choix que de vous garantir après une longue et heureuse vie auprès des vôtres une mention honorable sur les langues de la postérité. »

Idrissa Seck aurait-il voulu faire comprendre publiquement au Président Macky Sall qu’il ne dépendait que de lui d’entrer dans l’histoire en sortant la tête haute de l’avenue Roume en 2024 ou de se voir prendre la direction de l’oubli après une tentative ratée de 3e mandat qu’il n’aurait pas fait autrement que d’attendre d’être dans sa ville, après avoir organisé un bain de foule monstre, pour sortir l’artillerie lourde et devenir « la nouvelle tête de turc de la majorité », comme le dit si bien le Dr Cheikh Diallo.

Impossible de croire que celui qui soutenait, il y a un peu plus de 20 ans, qu’il est né pour être président attendrait encore 5 longues années. A moins qu’il ne veuille d’une épitaphe définitive, après le coma de 2007. Qui dit qu’Idrissa Seck veut mourir en étant vivant sous l’ère Macky Sall 3.

La rupture est donc consommée même si elle s’impose plus dans la forme que dans le fond. Après tout, le projet libéral est de faire maintenir au pouvoir les “enfants” de “père Wade”quelle que soit la situation. Pourvu seulement qu’elle sacre leur champion.

Les jours prochains nous édifieront, mais tout semble indiquer les dés sont jetés. Ite missa est !

Ci-dessous la lettre d’Idrissa Seck adressée à Me Wade le 4 novembre 2010

Idrissa Seck – Membre du Comité Directeur

Parti Démocratique Sénégalais

Dakar, Sénégal

Paris, le 4 novembre 2010

« Frère Secrétaire général,

Votre candidature à la prochaine élection présidentielle, annoncée depuis plusieurs mois déjà, suscite débats et interpellations dans l’ensemble du pays.
De toutes les questions que pose cette candidature, celle de sa conformité ou non à la Constitution de notre pays est, à mes yeux, la plus importante.

Il m’est utile au préalable de vous rappeler les dispositions de notre parti relatives à la désignation d’un candidat à une élection présidentielle. L’article 20 du règlement intérieur du Pds stipule que «le candidat à la Présidence de la République est investi par le Congrès sur présentation de la Convention Nationale ou du Bureau Politique.»

Devant me prononcer en ces circonstances exceptionnelles, je me suis instruit de l’avis éclairé des plus grands experts, quant à la conformité de votre candidature avec les dispositions pertinentes de la Constitution de notre pays.

Les experts que j’ai consultés sont formels : votre candidature pour un troisième mandat est inconstitutionnelle donc irrecevable. Le terme de votre mandat en cours est 2012 et ne peut être prorogé.

C’est l’opinion du Professeur Guy Carcassonne, Professeur des Universités, Agrégé des facultés de droit dont l’avis est joint. C’est celle des Professeurs et Docteurs en droit, Pape Demba Sy, Mounir Sy et Ababacar Guèye dont les avis ont été rendus publics. J’ai aussi consulté le distingué constitutionnaliste, le Professeur Seri-gne Diop, à ce jour le plus ancien dans le grade au Sénégal. Ses fonctions actuelles l’empêchent de donner un avis public sur la question, mais il serait prêt à vous le communiquer si vous lui en faites la demande, dans le cadre d’une audience. .

Dès lors, le compagnon de trente ans de lutte politique que je suis, ayant été votre premier Directeur de campagne à l’âge de 29 ans, se prescrit le devoir absolu de vous dire que si vous persistez à présenter votre candidature, malgré l’avis unanime de ces éminents spécialistes, vous faites courir à notre parti le risque d’être absent de cette importante compétition électorale. En effet, selon la loi électorale de notre pays, après la publication par le Conseil constitutionnel de la liste des candidats retenus, 29 jours avant la tenue du scrutin, aucun dépôt de candidature n’est possible, sauf décès d’un candidat retenu avant le jour du scrutin.

Or, je ne puis me résoudre à l’idée que le PDS puisse être absent d’une compétition électorale aussi importante pour l’avenir de notre pays. Pas plus que je ne puis me résoudre à ce qu’un des inspirateurs du Nepad et défenseur de la Renaissance africaine, l’un des interlocuteurs privilégiés en Afrique des dirigeants du 68, soit logé à la même enseigne que Mamadou Tandja du Niger.

Ce sont là, les raisons pour lesquelles je vous exhorte solennellement à faire en sorte que cette question importante soit inscrite à l’ordre du jour de la prochaine réunion du Comité directeur de notre parti, pour que nous puissions en débattre avec nos frères et sœurs de parti.

Vous avez l’impérieux devoir de rester un exemple, à l’image d’un Mandela ou d’un Lula da Sylva. La possibilité vous est encore offerte de donner une ultime leçon de sagesse à vos compatriotes et au reste du monde. Je vous prie de ne pas la rater, pour garder « une mention honorable sur les langues de la postérité».

Charles Faye

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