Yerim face aux attaques et spéculations : note de lecture sur un livre polémique !

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Tout travail mérite salaire, dit-on. Aussi, tout effort de production devrait-il mériter salutation, qu’il agace, snobe, ou frustre. Le travail d’investigation journalistique, pondu dans un livre, est tellement stérile dans ce pays qu’il devrait être encouragé si quelqu’un a le courage de s’en donner. Cheikh Yerim suit le pas de quelques figures journalistes qui s’adonnent ou se sont donné à cet exercice à l’instar de Abdou Latif Koulibaly, du temps où il était journaliste, avec ses deux livres phares d’enquête : Conte et mécompte, Me Babacar Seye et les assassins ; Pape Alé Niang avec son livre sur le pétrole et le gaz…

Macky Sall face à ‘histoire, passage sous scanner d’un pouvoir africain est un livre qui fait mouche et qui fera date. Son auteur, Cheikh Yerim Seck, est un journaliste controversé qui sait attirer les projecteurs en lui et faire parler de lui, soit par ses prises de paroles ou ses publications. Ce livre, qu’il a confessé avoir écrit en quelques semaines, même si la documentation dormait déjà dans ses tiroirs évidemment, est venu à un moment où le personnage, qui est l’objet du livre, boucle son deuxième et, en principe, son dernier mandat et don la troisième candidature est sur tous les lèvres. Ce livre apparaît aussi dans un contexte emmaillé par les tensions d’une veille électorale (Présidentielles dans une année) et des figures politiques en conflit avec la justice ; conflit orchestré selon certain par l’homme qui est aux manettes. Enfin, le timing du livre est également l’heure du profilage, de la bataille de positionnement dans les rangs de la mouvance présidentielle pour la succession du chef de l’APR. Ceci étant dit, le livre de Cheikh Yerim est un livre de contexte que l’auteur a pris le soin de prendre en considération pour le publier. Ce qui a ajouté du piment dans la sauce.

Au premier abord du livre, le titre (Macky Sall face à l‘histoire, passage sous scanner d’un pouvoir africain)  et la couverture (un président face caméra, ses deux mains au vol dans la position d’un discours gesticulé), l’objet saut clairement aux yeux. Le journaliste d’investigation, fouille de fond en comble, passe au peigne fin, fouine les dessous d’un pouvoir de dix ans. Il commence par le commencent, dans les deux premiers chapitres, avec la biographie de Macky Sall, de son enfance jusqu’à son accession au pouvoir en passant par ses études, sa trajectoire politique et étatique. Il a parlé de son épouse, la première dame, dans le troisième chapitre, à laquelle il attribue un pouvoir de décision dans les affaires publiques notamment en matière de nomination, et aussi, un rôle prépondérant et loin d’être négligeable dans le processus de la conquête du pouvoir.

Mais c’est dans les chapitres 4, 5, 6, 7, 8 et 9 que l’auteur aborde les choses sérieuses : les scandales à milliards, révélées au grand public ou passées sous silence, qui ont éclaboussé le magistère de Maky Sall. En effet, Cheikh Yerim, dans ces chapitres, n’a pas fait de fleurs à Macky car il y fait état de sa « gouvernance non sobre et non vertueuse », pour reprendre une partie de l’intitulé du chapitre 5. Il fait des révélations scandaleuses de détournement dans le secteur de l’énergie en mettant sous sellette des cadres du régime, met en lumière l’opération de vampirisation de milliers de milliards opérée par des sociétés étrangères (Sneidai, Petro Tim, Eotra, ArcelorMittal), renseigne sur les milliards détournés dans les projets phares du bilan matériel de Macky Sall (Cicad, Aibd, TER). L’auteur ne s’arrête pas là, il poursuit avec la nébuleuse Fond FORCE-COVID et le rapport scandaleux qu’en a fait l’inspection générale de l’Etat (IGE). Il n’oublie pas pour autant le secteur de la pêche dont il remonte l’histoire du pillage depuis Abdou Diouf, que Wade a continué mais avec modération, puis lui, il a maintenu mais avec une véhémence rare, au grand dam de « six millions de sénégalais ».

Toutefois, Cheikh Yerim fait dans le calcul de l’objectivité ou politique, qui sait ? Il n’a pas dressé uniquement un portrait sombre du passage de Macky Sall au pouvoir. Non, il lui a tiré quelques lauriers en magnifiant son bilan dit matériel dans les chapitres 10, 11 et 21. Il fait mention du taux de croissance réalisé en dix ans, des recettes enregistrées par le budget, d’augmentation de la masse salariale, de meilleur rendement du système fiscal, des réalisations sur le plan social, la concrétisation d’infrastructures et de services de transport, les infrastructures et services énergétiques, l’agricultures, l’éducation et la formation, l’hydraulique et l’assainissement, la santé et la protection sociale et d’une politique étrangère menée de main de maître. Avec toutes ces affirmations, l’auteur a pris le soin d’apporter des exemples et des arguments jugés solides, tantôt en pointant du doigt les réalisations tangibles, tantôt en donnant des chiffres et des statistiques pour étayer ses dires. Néanmoins, il a eu l’intelligence de se donner à un exercice critique de ce bilan qu’il magnifie en mettant en évidence les déficits qu’il comporte dans le chapitre 12.

Sur le plan judiciaire, Cheikh Yerim prend la liberté de peindre en noir le bilan moral du président. Il traite, dans les chapitres 13, 14, et 15 et 16 ces affaires judiciaires qui tiennent ou ont tenu le pays entier en haleine compte tenu de leur sensibilité et des tensions sociales qu’elle son suscités et continuent de susciter, vue que certaine sont toujours pendantes devant la justice. Il s’agit des affaires Khalifa Sall, Karim Wade et Ousmane Sonko. Ce dernier, dont l’affaire occupe toutes les dix pages du chapitre 16, est la partie du livre la plus commentée en raison de l’aura de la personne. L’auteur y fait des révélations et accusations de types « salaces » envers le leader de PASTEF.

Sur le plan politique, le journaliste d’investigation nous renseigne sur le cas Mimi Touré, de sa collaboration avec Macky Sall jusqu’à leur débandade récente occasionnée par sa déception de n’avoir pas eu le fauteuil de la présidence de l’assemblée nationale qu’elle lorgnait (chapitre 17) ; l’affaire entre Idrissa Seck et Macky Sall et leur couple tumultueux animé par ruptures et réconciliation (Chapitre 18) ; le cas Amadou Bâ pressenti comme dauphin de Macky Sall et dont certains estiment qu’il est le grand bénéficiaire de ce livre (chapitre 19).

Mais la partie qui me plaît le plus dans ce livre est les questions abordées dans le chapitre 22. Dans ce chapitre, l’auteur liste les grands défis à relever par Macky Sall, disons par le Sénégal de manière générale, il s’agit de l’exploitation optimale du gaz et du pétrole, la transformation numérique et digitale et la répartition équitable des ressources issues des énergies fossiles.

Malgré toute la polémique accouchée par ce livre, le désagrément qu’il a causé à certains et certaines révélations d’ordre privées qu’il contient, l’auteur a quand même fait preuve de documentation. La personne de Cheikh Yerim Seck, quoi que l’on puisse dire d’elle et quelle que soit sa personnalité controversée, ses vices (Qui n’en a pas d’ailleurs ?)…est un excellent journaliste qui a fait montre de son talent et de son esprit d’analyse aiguisé. Ce livre est à lire avec du recul, de l’objectivité, de l’honnêteté, à l’absence de tous préjugés, d’appréhensions et d’attentes à l’avance.

Sur le plan littéraire (et c’est ce qui m’a importé à ma première lecture lol), c’est un livre très bien écrit, sous forme de récit romancé, de français tantôt soutenu et tantôt facile, d’usage de figures de style, de techniques de langages plaisantes et d’astuces de narration subtiles.

Pour ma part, c’est un livre que j’ai adoré esthétiquement, duquel j’ai appris politiquement, qui m’a donnée matière à réflexion mais sans changer mon avis sur le président Macky Sall lol.  

Vivement le tome II                   

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