Ce mandat de trop qui fait jaser !

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En Afrique, les présidents et leur désir obsessionnel et quête effrénée et maladive d’un mandat de plus est un vieux serpent de mer qui ne cesse d’émerger de ses eaux profondes pour venir hanter la stabilité politique et sociale de nos pays. On en a vu une ribambelle de ces mandats qui durent, comparables même à une monarchie ou tout autre régime dont l’occupant reste jusqu’à bien vouloir de libérer le plancher voire à vie ! On en a vu de ces présidents « tailleurs de constitution » qu’ils tripatouillent à leur guise juste pour pouvoir bénéficier des quelques années de plus ! On en a vu de ces « hold-up électoraux », de ces « détournements de suffrages légitiment exprimés » de citoyens par un individu qui s’obstine à tort dans sa bêtise de diriger alors qu’il est clairement remercié par ses employeurs ! On en a vu de ces « morts », de ces « émeutes », de ces « meurtres de masses » orchestrés par un individu têtu qui s’accroche au pouvoir ! On en a vu, on en a vu, on en a vu….Quand il s’agit de spectacle électoral, l’Afrique remporte le prix de la meilleure mise en scène au festival de Cannes.

            Au Sénégal, ce « spectacle » n’est point privé. Même si notre pays est généralement encensé pour sa démocratie et sa stabilité politiques légendaires, les remous et les soubresauts politiques y sont tout de même de mise. Tous les présidents qui se sont défilés au palais ont été candidats à leur propre succession puis défaits, sauf le premier (la seule chose qu’il a fait de bien, pratiquement). En effet, Abdou Diouf s’est trop accroché après presque vingt-ans de magistère. Puis Me Wade a voulu nous rouler mais en a mordu les doigts. Maintenant, c’est au tour de son petit protégé d’essayer de passer dans les mailles des filets, des filets qu’il a, lui-même, pris le soin de bien tisser et épaissir.

            Lui qui voulait régler le problème des mandats au Sénégal, a entretenu en 2016 une réforme constitutionnelle visant à fixer le régime des mandats à deux de cinq ans consécutifs. L’alinéa, savamment, ajouté dans cet article 27 devait verrouiller la constitution et ne plus permettre ce genre de débat houleux. Mais il faut que ça fasse jaser, pourquoi ?  

            La Faute au président lui-même.  En effet, ce dernier, même s’il a répété à tout va clairement et sans ambigüité, avec des français plutôt accessible (lol) que ce mandat serait son dernier à la tête du pays et qu’il ne se représenterait pas à sa propre succession, il a jeté le pavé dans la marre lors de sa rencontre avec la presse sénégalaise en 2021. Rencontre au cours de laquelle il a nous servis son fameux « ni oui, ni non » comme réponse à la question de son éventuelle candidature pour un troisième mandat. Depuis lors, les actes politiques qu’il pose laissent croire qu’il balise le terrain pour le jour où il annoncerait sa candidature aux élections présidentielles de 2024. En fait, on le voit museler ses lieutenants qui ont eu la mauvaise idée de prêcher son retrait, promouvoir des rhéteurs pour la bataille de communication qui sera décisive, mettre en scène des séquences où sa candidature est légitimée, rétrograder des ministres qui ne gagnent pas leurs bases, inaugurer des sentiers en les politisant…  tout paraît être mis en œuvre pour une préparation psychologique et sociale vers l’annonce de cette candidature.

            La faute aussi aux médias. Etant le quatrième pouvoir, les médias s’écartent des fois de leur rôle en soulevant des sujets de tension sociale et politique qui ne devraient pas être abordés. Car depuis la réélection du président Macky Sall en 2019, chaque plateau télé et radio ne passe pratiquement sans poser la question de cette troisième candidature du président : des débats de politiciens, de politologues, de constitutionalistes, de sociologues, de la société civile…chacun en a eu quelque chose à dire et a contribué ainsi à rallumer la flamme de cette question séculaire de troisième candidature. C’est alors l’histoire qui se répète, car Me Wade aussi avait désiré ce troisième mandat, qu’il n’a pas eu mais lutté pour vue que sa candidature était validée par le conseil constitutionnel d’alors. Pour la petite histoire, c’est cette situation qui a poussé le président Sall à entreprendre de verrouiller la constitution en limitant les mandats présidentiels. Pourtant en 2023, 12 ans plus tard, nous y revoilà !

            La faute également aux intellectuels juristes (pseudo intellectuels, pour certains), de bonne ou de mauvaise foi, qui sèment les graines de la confusion et de l’incompréhension avec leur bataille de « qui est plus calé en Français », « qui comprend mieux le droit », « qui a l’esprit le plus aguiché » et je ne sais quoi d’autre. Leurs tentatives d’analyse et d’interprétation de cet article 27 de la constitution ont prolongé ce débat et mis le feu aux poudres. Chacun y va de ses formules, de ses lumières et de ses « en principe » et finit par jeter du sable dans les yeux des sénégalais au lieu d’éclairer leurs lanternes. Comme si, l’article n’était pas clair et limpide !

            Le président Maky Sall sait pertinemment que l’histoire l’attend au tournant, que l’occasion lui est offerte de choisir comment faire écrire son nom dans les annales de l’histoire politique du Sénégal, voire de l’Afrique. Etant relativement jeune, le statut d’ancien président peut lui offrir les portes des institutions internationales et il le sait. Mais s’entêter à vouloir rester pour un ou, qui sait, des mandats de plus, peut gravement le desservir et le priver d’une sortie historique, emblématique et spectaculaire.

            En tout cas, ces élections de 2024 resteront dans les mémoires telles celles au-dessus desquelles planent énormément d’incertitudes en raison de la participation incertaine des quatre favoris : le président sortant avec la constitution qui le bloque, Ousmane Sonko et son affaire pendante à la justice contre la demoiselle Adji Sarr, Khalifa Sall et Karim Wade qui sont privés de leurs droits civiques, même si le dernier semble recouvert les siens.  Donc à l’heure actuelle, rien n’est moins sûr et le champ politique peut se redéfinir d’ici la fin de l’année.              

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