Recherches, montée en puissance de l’Ensa : Pr Ibrahima Diédhiou livre ses notes

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Les festivités marquant la commémoration du quarantenaire de l’Ecole nationale supérieure d’agriculture (Ensa) de l’Université Iba Der Thiam de Thiès (Uidt) ont été lancées, ce samedi, par le ministre de l’Agriculture et de l’équipement rural, Moussa Baldé. Une occasion pour le directeur de l’Ensa, Docteur en science de l’environnement et de l’agronomie, Pr Ibrahima Diédhiou, dans cette entretien, de s’exprimer entre autres, sur les résultats de recherches de l’école d’excellence avant de décliner ses ambitions dans le cadre de la montée en puissance de l’Ensa.

L’Ecole nationale supérieure d’agriculture (Ensa) fête cette année ses 40 ans. Qu’est-ce qui va marquer les festivités ?
Les festivités seront marquées surtout par un regard sur le passé pour un peu capitaliser nos 40 ans d’expérience dans le domaine de l’enseignement, de la recherche de l’innovation, et partager tout cela avec nos partenaires. Aussi voir dans quelle mesure ce capital-expérience peut être mis à profit dans le développement agricole du pays. Les 40 ans c’est aussi de réfléchir sur l’avenir et le produit que nous formons. Comment mettre sur le marché du travail un produit beaucoup plus adapté aux exigences du marché de l’emploi.

Justement, les ingénieurs agronomes que vous formez sont toujours restés cette crème que nous connaissons de l’Ensa ?
L’Ensa est restée la grande école d’excellence de formation d’ingénieurs agronomes. Il m’est revenu du terrain que les ingénieurs agronomes polyvalents que nous formons restent encore de très bons produits. Et ce qui le montre c’est qu’aujourd’hui quand nos ingénieurs sortent d’ici et qu’ils vont dans les pays du Nord, dès qu’ils entament là-bas des études, ils ne reviennent plus. La deuxième chose qu’il faut savoir, du point de vue contenu, c’est une formation de qualité qui est dispensée ici par un corps professoral engagé et compétent. Notre curriculum a été élaboré suite à des échanges larges avec l’ensemble des acteurs du secteur. Et donc il nous permet d’avoir une bonne adéquation entre la formation et l’emploi. Et je dois dire que jusqu’à présent, le taux d’insertion est bon et on a effectivement un produit de qualité.

«Quel profil d’agronome pour un Sénégal émergent», c’est le thème de ce quarantenaire. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
Ce quarantenaire est placé sous le haut patronage du président de la République Macky Sall. Et le choix n’est pas fortuit. De gros efforts ont été faits par l’Etat dans le domaine de l’enseignement supérieur, quel que soit par ailleurs ce qu’on peut souligner sur des manques et tout ça. Il faut reconnaître qu’il y a des efforts qui sont faits. Aussi le Plan Sénégal émergent (Pse), qui reste le cadre unique de référence des politiques publiques, a donné une place de choix à l’agriculture.

L’Ensa est-elle assez outillée pour accompagner le Pse dans son volet agriculture ?
Absolument. Dans la mesure où les produits qui sortent d’ici, que ce soit dans le domaine de la conception, de la construction, de la supervision, de la mise en œuvre des programmes et projets des politiques d’infrastructures, dans le domaine agricole, sont suffisamment compétents pour pouvoir faire un tel travail. Or, on sait que le Pse veut s’appuyer sur un certain nombre de chaînes de valeurs par exemple : la chaîne de valeur horticulture, riz, arachide…En tout cas autant de chaînes de valeurs. Et quand on parle de chaines de valeurs, il faut s’adresser à plusieurs maillons. Et donc effectivement il faut disposer de ressources humaines de qualité à tous les niveaux. Bien sûr, il y a les cadres supérieurs tels que les ingénieurs que nous formons mais il faut aussi des techniciens de niveau inférieur pour prendre en charge ce programme.

Coté recherche l’Ensa peut toujours servir d’exemple ? Quels sont vos résultats ?
J’ai déjà souligné que si vous allez aujourd’hui dans l’institut sur lequel nous comptons en matière de recherches agricoles qui est l’Institut sénégalais de recherche agricole (Isra), si vous sortez le potentiel, les sortants de l’Ensa, je peux le dire avec courage, vraiment il n’en restera pas grand-chose. En tout cas des pans entiers et importants sont tenus par des sortants de l’Ensa. Le directeur du Centre national de la recherche agronomique (Cnra) de Bambey est un sortant de l’Ensa, de même que celui de Djibélor. Je peux continuer comme ça à tous les niveaux. Et cela veut dire que le produit ici il est reconnu. Si vous voulez former souvent des chercheurs dans le domaine agricole, l’Ensa est un bon vivier. La deuxième chose c’est que notre cœur de métier c’est la formation et la recherche. Et donc nous en faisons, peut-être pas autant que l’Isra, mais nous en faisons. Et fort heureusement nous avons de bons chercheurs.

Des chercheurs qui trouvent ?
Je vous donne quelques indicateurs. Par exemple, quand on prend les biocarburants orientés vers les plants bioénergétiques comme le jatropha, l’institution fer de lance qui a porté les recherches le plus avancées pendant presque une décennie, c’est l’Ensa. Et c’est reconnu sur le plan international. Ensuite sur la lutte contre les nuisibles et la défense des cultures, l’Ensa est reconnue comme une référence. Non seulement, on a beaucoup de résultats là-dessus, mais en plus, la plupart des spécialistes qui se trouvent sur le terrain ont été formés ici. L’agro-écologie qui se nourrit de l’agriculture traditionnelle, une question scientifique, on peut dire qu’elle est nouvelle quelque part, je peux me réclamer modestement, d’être parmi ceux qui ont poussé la question ici au Sénégal. Parce que quand je collaborais dans les années 2005-2006 avec Agrécole Afrique et la Fenab qui était en construction, personne ne parlait d’agro-écologie. Après beaucoup de gens s’y sont invités là-dedans. Mais nous sommes présents à tous les niveaux. C’est pourquoi j’ai reçu récemment le prix de la société américaine d’agronomie mais également le prix d’excellence en restauration des terres qu’on m’a donné à l’échelle Afrique. Cela montre, bien sûr, dans le domaine de la recherche, orienté dans l’agriculture durable, nous faisons partie des fers de lance. Egalement, il y a une innovation que nous appelons le système optimisé à arbustes. C’est connu aujourd’hui. Il y a des arbustes qui existent qui sont autochtones ou locaux. L’un s’appelle Ngueer en wolof et l’autre c’est Guiguiss. Ces deux espèces là quand vous passez ici et vous allez vers Diourbel, elles paraissent banales, inutiles à la limite, puisque beaucoup de gens estiment peut-être qu’on n’a pas fait grand-chose. Pourtant n’eut été ces arbustes, ces champs-là, en l’état actuellement tel qu’ils sont, si on les enlevait, vous ne produirez rien. Ce sont eux qui maintiennent le peu de potentiel de fertilité qu’il y a dans ces terres. Parce que ce sont eux qui mettent un peu de carbone dans les sols. Après 20 ans de recherches cumulées, on a pu savoir que ces arbustes sont doués d’une faculté importante et que le concept même de bio irrigation c’est l’autre équipe qui l’a écrit pour la première fois que ces arbustes sont capables de remonter de l’eau depuis 4 m de profondeur, la ramener en surface avant de la redistribuer autour. Et que cette eau peut servir à d’autres plans. Cela veut dire la plante irrigue la plante.

La question de l’emploi des jeunes, parlons-en. L’Etat compte beaucoup sur l’agriculture pour juguler cette problématique. Est-il possible qu’on en arrive à un mo­ment où sans Bac que l’on puisse bénéficier d’une formation à l’Ensa pour les jeunes qui trouvent une alternative dans le secteur de l’agriculture moderne ?
Aujourd’hui nous avons entamé ce que l’on appelle une montée en puissance. C’est consolider ce que nous faisons mais aussi ouvrir de nouveau chantiers en termes de curricula. Je parlais du machinisme agricole, la prise en compte des Tic, l’agri-Tech, tout ce qui est l’agro-alimentaire. Et donc aujourd’hui nous demandons à être mieux accompagner du point de vue surtout de la recherche et également de l’infrastructure,  surtout sociale, pour augmenter la capacité d’accueil. Parce que nous voulons former plus en maintenant le même cap en termes de qualité. C’est à ce niveau surtout où nous avons besoin d’appui, à la fois de l’Etat, mais aussi des partenaires bilatéraux. Nous voulons vraiment contribuer à cela parce que c’est un axe important. Vraiment quand je vois tous ces jeunes désenchantés qui cherchent l’avenir. Et que l’on sait que l’agriculture est un grand potentiel pour créer de l’emploi. Il suffit de donner un peu de compétences techniques et entrepreneuriales à ces jeunes, mais également les accompagner un peu pour qu’on puisse redevenir un pays au contraire qui exporte. Si j’ai plus d’infrastructures dans ce domaine, je peux former celui qui n’a aucun diplôme mais qui veut faire l’agriculture parce qu’on a des centres d’application pour le faire. Nous voulons apporter notre contribution à l’insertion des jeunes sénégalais dans le domaine agricole.

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