L’Accouchement par Césarienne, la nouvelle tendance au Sénégal: « Je voulais être opérée pour maintenir la stabilité de mon couple! »

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Barbara Torchon, 23, in the operating theatre during her caesarian-section at MSF’s Centre de Référence en Urgence Obstétricale (CRUO) in Port-au-Prince, Haiti, October 19, 2015. Barbara was admitted due to her high blood pressure. She had a caesarian-section because her baby’s heartbeat was getting weaker. She has had five pregnancies in the past, but has only two surviving children. Photo by Shiho Fukada for Médecins Sans Frontières

La décision de pratiquer une césarienne est habituellement prise en fonction de l’état du bébé et de la mère. Dans certains cas, le médecin peut décider de planifier une césarienne avant même que le travail commence pour protéger la santé du bébé ou de la mère. Dans d’autres cas, c’est pendant le travail que la décision de faire une césarienne est prise. Il s’agit alors d’une césarienne d’urgence ou semi-urgente, selon la situation.

Une césarienne peut être planifiée pour des raisons liées au bébé. 

Au Sénégal la pratique de la césarienne est devenue une chose banalisée. Jugée très dangereuse quelques années plus tôt, la césarienne est maintenant très préconisée. Les jeunes mamans ont recours à cette pratique du fait de son efficacité. La plupart d’entre elles jugent la césarienne moins douloureuse, mais surtout selon elles, cette pratique leur permet de garder la taille de leur sexe intacte à la suite d’une grossesse. 

La première interlocutrice de Dakaractu semble de cet avis. Pour protéger son identité et lui permettre de garder l’anonymat nous la nommerons Madame Sarr. 

« Je voulais me faire opérer pour garder mon sexe intact après l’accouchement », nous servira-t-elle. Dans sa logique, elle explique qu’un accouchement par voie basse aurait perturbé la stabilité de son couple. Elle nous confiera plus tard que si toutefois elle n’avait pas cette opération, elle perdrait des atouts considérables qui lui permettent de maintenir la stabilité de son mariage. 

« La position du bébé, le facteur le plus déterminant »

Le docteur Sèye nous renseigne qu’il arrive que la position adoptée par le bébé ne soit pas favorable à un accouchement vaginal. En effet, dans environ 3 à 5 % des grossesses, le bébé se présente par le front, la face, les fesses, les pieds, et même par l’épaule au lieu de la tête. À la 36e ou 37e semaine de grossesse, le médecin peut alors essayer d’effectuer une version pour tourner le bébé et le placer la tête en bas s’il se présente en siège. Il arrive cependant que la manœuvre ne fonctionne pas ou qu’il ne soit pas possible de la réaliser pour certaines raisons médicales. Dans ce cas, une césarienne peut être planifiée.

La croissance du bébé, la taille du bébé, une naissance précédente par césarienne, des problèmes liés au placenta ainsi que l’état de santé de la mère peuvent également être à l’origine d’une césarienne. 

Le deuxième cas de figure auquel nous sommes confrontés présente l’un de ces caractéristiques. L’interlocutrice que nous nommerons Salima en est à son second accouchement par césarienne. Elle explique : « lors de mon premier accouchement j’ai eu des problèmes liés au placenta et j’ai commencé à saigner et heureusement que mon mari est arrivé à temps pour m’emmener à l’hôpital. Le médecin a tout de suite programmé une césarienne et j’ai eu mon enfant quelques heures après. C’était rapide, mais la guérison était plutôt lente. J’étais ravie de m’en sortir indemne, mais j’étais loin de me douter que la cicatrisation allait durer et que je ne pourrais plus me permettre certains mouvements. À ma deuxième grossesse, j’appréhendais l’accouchement parce que je ne voulais pas de changement dans la fréquence de mes relations sexuelles avec mon époux et fort heureusement j’ai encore une fois été opéré. Ça n’a pas été une partie de plaisir car je ne l’ai pas choisi », terminera-t-elle.

Le docteur Sèye, gynécologue, obstétricien nous affirme que la césarienne peut être requise lorsque la mère a une infection. Par exemple, si la mère présente des lésions d’herpès active à la vulve ou au vagin, il convient de planifier une césarienne pour empêcher que le bébé soit infecté lors de l’accouchement. Par ailleurs, il est possible pour une femme vivant avec le VIH d’avoir un accouchement vaginal si un traitement approprié est entrepris rapidement. Elle devrait en discuter avec son médecin traitant.

« Trop de césariennes au Sénégal »

« La césarienne permet l’accouchement par une incision de l’abdomen et de l’utérus, lorsque les conditions, chez la mère ou chez l’enfant, ne sont pas favorables à un accouchement par les voies naturelles », telle est la définition de la césarienne telle que reconnue par tout professionnel de la santé évoluant dans le domaine de la gynécologie. La césarienne était la bête noire de toute femme en état de grossesse ou en âge de procréer, mais il semblerait que ce qui faisait autant peur aux dames n’est plus d’actualité. « Avant, si on faisait une césarienne on était sûre de limiter ses grossesses », en nous basant sur des recherches une femme peut subir 5 césariennes. Le docteur Sèye nous en apprend davantage : « une femme peut subir jusqu’à 7 césariennes. Mais dès qu’elle subit 2 césariennes, la femme ne peut plus accoucher par voie basse ». 

Les femmes sénégalaises ayant écho de cette « bonne nouvelle » dorment désormais sur leurs lauriers. En effet, la plupart d’entre elles redoutent l’accouchement par voie basse car une fois le bébé sorti, elle peuvent mettre une croix sur le plaisir sexuel qu’elle ressentait auparavant. C’est d’ailleurs le cas de notre troisième interlocuteur. Il s’agit d’un homme dont la femme a accouché par voie basse. T. Niang nous confie que depuis l’accouchement de son épouse son couple bat de l’aile. Tous deux ne trouvent plus satisfaction. Selon lui, sa femme a perdu l’estime de soi et toute confiance en elle. « Ma femme était pétillante et n’hésitait pas à prendre des initiatives, mais maintenant elle a des complexes, je n’arrive plus à satisfaire ses désirs, cela me rend malheureux… » Dans son regard l’on sent un soupçon de regret « si j’avais pu choisir, ce serait une césarienne sans hésitation », termine-t-il.

« Le revers de la médaille » 

Une étude menée en 2019 par une agence nationale de Santé nous renseigne qu’accoucher par césarienne expose à un risque légèrement accru de subir des complications en particulier pour celles ayant plus de 35 ans. Plusieurs études ont déjà mis en évidence une plus forte proportion de complications graves (hémorragies massives, infections, embolies pulmonaires…) chez les femmes accouchant par césarienne.

Même si ces complications restent rares, les chercheurs recommandent aux soignants de prendre en compte ce surrisque dans leur décision du mode d’accouchement, alors que les taux de naissance par césarienne ont fortement augmenté au cours des 20 dernières années dans le monde. Les femmes et les médecins doivent être informés de ce risque accru pour déterminer la meilleure façon d’accoucher, surtout pour les mères plus âgées.

« La césarienne est efficace pour sauver la vie de mères et des nouveau-nés, mais uniquement lorsqu’elle est justifiée par une indication médicale » car, elle peut aussi « causer des complications majeures et parfois permanentes », rappelait l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) dans un document daté de 2014. 

Selon l’OMS, un taux de césarienne supérieur à 10% n’est pas associé à une réduction des taux de mortalité maternelle et néonatale.

Relâchement pelvien, fuites urinaires, douleurs constantes lors des rapports intimes, les femmes sénégalaises lasses de ces maux des suites d’un accouchement par voie basse ont trouvé refuge dans la pratique de la césarienne programmée. Après un recensement, force est de constater que ces dames malgré le fait qu’elles aient toutes une connaissance des risques liés à la césarienne n’hésitent pas à se faire opérer pour préserver leur intimité et maintenir la stabilité de leur foyer. Une oreille attentive et du recul permettront de constater que les femmes dans ces cas de figure priorisent le bonheur des messieurs à la santé…

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