HORIZON – Biram Ndeck Ndiaye, parolier, producteur : «Quand le Peuple a besoin de nous, on est là»

17 chanteurs, 2 comédiens et deux peintres se sont rassemblés autour du parolier, Biram Ndeck Ndiaye, pour proposer deux singles de sensibilisation sur le Coronavirus. «Boole Doolé» et «Feebar bi» sont des hymnes chargés de messages que proposent des artistes comme Fallou Dieng, Djiby Guissé, Alioune Kassé, Fatou Guewel ou encore Yoro Ndiaye et Talla Sylla. Depuis l’apparition de la pandémie en Chine, la contamination progressive des autres pays, la psychose et la panique créée, les chants écrits par Biram Ndeck, tantôt en prose tantôt en vers, veulent avant tout inviter à la mobilisation de tous pour vaincre le Covid 19.

Comment vous êtes arrivé à cette création ? Qui a eu l’idée ?
Ces deux œuvres, Boole doolé et Febaar bi, on les a sorties au début de la pandémie du Coronavirus. Il y a eu un mal, le Coronavirus qui a fait le tour du monde et qui est arrivé chez nous. Les artistes qui s’adressent au Peuple à travers leurs créations, devaient être présents. Les artistes devaient réagir et j’ai écrit deux textes, puis j’en ai parlé à des artistes. C’était fin mars, début avril. Baba Maal m’a dit : «Biram, non seulement, je vais poser ma voix, mais je vais faire une musique et mettre à disposition un studio.» Mais comme c’était un peu éloigné, il était même prêt à prendre une navette pour que les artistes puissent y aller, dans le respect des précautions d’usage. C’était un peu difficile donc on a fait les arrangements ici au studio Habib Faye. Et c’est comme ça que le projet est né.

Quel est le message que vous lancez dans ces chansons ?
Le message est très simple. C’est dire Boole Doole, réunir toutes les énergies, être ensemble, la solidarité pour vaincre ce mal, Feebar bi. Deuxièmement, Boole Doole, s’unir pour vaincre cette maladie en mettant toute nos énergies que ça soit aux niveaux intellectuel, technique, scientifique et financier, mutualisons tout. C’est le message que nous avons voulu lancer. Bien entendu, vous verrez que chaque couplet aborde un aspect de cette question. Depuis l’arrivée en faisant le tour du monde, la psychose et la panique que cela a créées jusqu’à ce que les gens se redressent, s’unissent pour faire face. Et c’est cela le Sénégal que nous avons toujours voulu avoir. Un Sénégal uni face à un problème. Après, la vie continue, les gens pourront continuer leurs petites querelles mais le plus important, c’était de faire face au danger. Nous n’avons certainement pas les mêmes amis mais nous savons avoir le même ennemi. Et l’opposition, le pouvoir, les riches, les moins riches, les différentes ethnies et races et religions, tout ceux-là, s’unissent parce que c’est une pandémie. Ce n’est plus comme avant où on parlait de manière péjorative de l’Afrique. Aujourd’hui, la pandémie s’est déclarée en Asie, a contaminé l’Europe et l’Amérique et a fait beaucoup plus de dégâts là-bas qu’en Afrique. Mais à part l’union dans nos pays, il faut aussi une union au niveau international. Aujourd’hui, il est question de santé mondiale. Moi j’ai eu la chance de suivre à Genève une formation en diplomatie de la santé. Avec l’avion, quelqu’un peut être malade dans un pays, aller dans un autre continent en faisant escale dans un autre pays et le lendemain, ça peut devenir une pandémie qui attaque le monde entier. Donc c’est tout le monde qui doit se lever pour que ça ne se passe nulle part parce que tant que cela existe dans un pays, c’est un danger pour le monde entier. Voilà le message que nous avons voulu faire passer en disant merci à ces héros, ces «Royou Kay» que sont les personnels de santé, les forces de défense et de sécurité qui risquent leur vie, qui ont aussi leurs familles mais qui se mettent devant. Nous avons également demandé que la recherche, l’innovation soient davantage soutenues, pas seulement par l’Etat mais par tous les citoyens. Ailleurs les gens qui ont de l’argent font des dons, c’est de ce Sénégal la que nous rêvons. Au-delà des clivages, c’est quoi la politique ? Est-ce qu’ils font 5% ceux qui font de la politique dans ce pays ? Ce n’est pas un parti, une coalition, c’est tout un Peuple et aujourd’hui, le chef de l’Etat, les chefs religieux, coutumiers, tout le monde s’est mis ensemble et c’est cela que nous avons voulu saluer en disant bravo à tout ce monde. C’est parce que chacun a contribué qu’on va peut-être prévenir la maladie dans certaines zones. En écoutant le message dans le Sine, dans le Fouta etc. Quelqu’un va écouter Baba Maal, un autre va écouter Pape Diouf, Alioune Mbaye Nder, des rappeurs comme Bill Diakhou, etc.

Il y a Fallou Dieng, Bill Diakhou, Alioune Kassé, ce sont des gens que l’on n’avait pas vus depuis longtemps sur la scène musicale. C’est un choix délibéré de votre part ?
Si on pouvait, on aurait pris tous les artistes du Sénégal mais il aurait fallu deux ans pour terminer le produit. Ce qui est important, ce sont des gens qui ont répondu avec le cœur et qui ont montré qu’ils ont de très beaux restes. Ils sont venus et on a vu que le talent est toujours là et s’est même amélioré. On ne va pas dire qu’on est là pour le Peuple ! Non, on n’a pas cette prétention. C’est seulement que le Peuple a beaucoup fait pour nous les artistes ; les routes, les hôpitaux… tout ce qu’on utilise et qui a été construit avec l’argent public. Le pays nous a beaucoup donné. Il y a des musiciens qui auraient voulu participer mais qui étaient sur des projets plus importants que le nôtre mais qui sont de tout cœur avec nous. Mais c’est comme une rédaction : «Demain c’est la Tabaski, racontez.» Chacun l’a abordé avec l’angle qu’il veut. Et dans ce domaine, abondance de biens ne nuit pas. Donc tous ceux qui ont pu avoir le temps, ont appuyé le projet.

Il y a déjà eu des dizaines de chansons pour sensibiliser sur le Corona. Qu’est-ce que la vôtre a de nouveau ou de particulier ?
Nous créons une œuvre et nous laissons le public apprécier. Tout ce que nous pouvons dire, c’est pour qui nous le faisons, contribuer à la sensibilisation, éviter qu’une personne contracte cette maladie. Les artistes font une œuvre mais l’œuvre ne leur appartient plus ensuite. L’un des textes est fait avec des vers classiques, des rimes. Quand vous entendez par exemple Mouslay, Djiglay, kiraay et ainsi de suite. Et l’autre est en vers libre. Maintenant, on a fait en sorte que les textes puissent être lus directement à la télévision. Ces supports, on est prêts à les donner à tous ceux qui le réclameront. On n’est pas dans une compétition mais une saine émulation pour que chacun dise : voilà ce que je peux apporter. C’est tout cela mis ensemble qui va faire que le Peuple ne va pas rater grand-chose. Combien de politiciens ont parlé du Coro­navirus ? On ne va pas dire que quelqu’un en a parlé, les autres ne doivent pas en parler. Combien de médecins en parlent, combien d’artistes pourront en parler également ?

Sur le plan financier, comment ça s’est fait ?
Je peux vous dire que nous n’avons reçu aucune subvention au départ. Nous étions mal placés pour en demander. On s’est dit qu’on va se battre. Moi, je suis un pauvre petit retraité. Mais j’ai mis ce que j’avais et les artistes ont eu du cœur en ne demandant pas à être payés. Maintenant, il y a des frais inérant à toute production. Là où on devait payer plusieurs millions, on en a payé un. Et je peux dire que quelqu’un comme Baba Maal et tous les autres artistes que je ne peux pas citer, 17 chanteurs, 2 comédiens, Lamine Ndiaye et Pape Faye, deux lutteurs, Tyson et Tapha Guèye, deux peintres, Kalidou Kassé et Vieux Diba, on a voulu rassembler autant de Sénégalais que possible. C’était vraiment le moment de nous unir. Il y a aussi des amis qui ont décidé d’appuyer le projet. Parce que l’art aussi, pour sa fixation, il faut quelques moyens mais ce n’est pas le plus important. Nous avons voulu donner et non pas demander parce que le pays nous a beaucoup donné. Nous à notre tour, quand le Peuple en a besoin, on est là. Le produit est mis gracieusement à la disposition de chacun pour la plus grande diffusion possible. Ils ont même bravé la maladie pour le faire comme le corps médical, les sapeurs, les policiers. Tout le monde s’est investi.

Vous êtes un des grands paroliers de la musique sénégalaise, vous continuez à écrire des chansons ?
Je suis un tout petit parolier. Mais c’est vrai que depuis 2002, la Coupe du monde Ca Kanam avec la participation de grands artistes, Youssou Ndour, Baba Maal, Thione Seck, Omar Pène, Ismael Lô, Kiné Lam, je n’avais pas fait de projet de cette envergure. C’est pourquoi je me suis dit que je n’ai pas le droit de me taire. Aujourd’hui, nous ne pouvons faire qu’avec ce que nous avons. Maintenant, j’ai sorti un livre parce que je me suis dit qu’il faut laisser quelque chose à la postérité, un témoignage. J’ai écrit un livre sur les industries culturelles et un livre sur l’assurance qui a été Premier prix de tous les assureurs africains réunis en Tunisie en 1999. Mais si j’ai des artistes qui me contactent, ce sera formidable.

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