SANTÉ & TRAVAIL : ATTENTION AU BURN OUT !

Pas de remise de cahiers de doléances des centrales syndicales au chef de l’État, Macky Sall, cette année. Covid-19 est encore passée par là. En plus de les empêcher d’exprimer leurs revendications, cette pandémie a fini d’installer les travailleurs dans une situation de stress sans précédente.

« Le coronavirus fait des ravages ». Des propos de Coumba Dickel Diawara, la présidente nationale des femmes de la CNTS/FC (Confédération nationale des travailleurs du Sénégal – Forces du changement) qui en disent long sur les dégâts. Surtout pour les femmes du secteur informel, indique-t-elle, évoquant l’absence de revenus du fait de la méfiance des clients dans ce contexte de maladie. « Ces femmes se levaient aux aurores pour se rendre, par exemple, au marché au poisson, qu’elles revendaient dans les quartiers, pour nourrir leur famille. »

C’est également « la catastrophe » chez les domestiques de maison, signale la responsable socialiste de la commune de Biscuiterie, expliquant que certaines se sont retrouvées au chômage sans préavis. Au moment où d’autres rencontrent d’énormes difficultés depuis l’instauration du couvre-feu le 23 mars dernier. « Une dame m’a contactée hier, me disant qu’elle travaille en ville, et qu’à la descente, elle est obligée de marcher jusqu’à Castors, faute de véhicule. »Coumba Dickel Diawara, présidente nationale des femmes de la CNTS/FC

Selon elle, celles qui passent la nuit chez leurs employeurs sont « plus chanceuses. » Mais de façon générale, « ces femmes traversent des situations vraiment difficiles » du fait de l’impact sur l’économie sénégalaise, citant également les femmes transformatrices de produits halieutiques, des fruits et légumes, les gérantes de gargote. Toutes les activités étant à l’arrêt.

Au sein des entreprises, ce n’est pas la joie non plus. « Même la prime de productivité est passée à 40%, 50%. Parce que, les employés travaillent par brigade, par rotation ou réduction des heures de travail. C’est comme cela que ça se passe à cause de cette pandémie. »

« À FOND DANS LA RIPOSTE CONTRE LE CORONAVIRUS »

Pour l’ex-basketteuse, l’urgence est à l’élimination du virus. Ce à quoi s’attèle, non-stop, le personnel de santé. Un tour au Centre de santé Gaspard Camara en dit long sur la charge de travail. L’heure est à la riposte intense contre le coronavirus. Les équipes autour du camp de riposte mis en place par le médecin-chef du district, Dr Mamadou Thioro Mbaye, travaillent en plein régime, du lundi au lundi. D’ailleurs, l’équipe était en réunion à notre arrivée mardi dernier.

Le message de Ndakh Diop Gueye, la responsable de l’éducation et de l’information pour la santé du district en question : « Restons à la maison, portons nos masques, et respectons les mesures d’hygiène élémentaires pour combattre le virus. Aujourd’hui, le personnel est engagé à combattre cette maladie mais à condition aussi que la population y adhère ».

Le diagnostic du Professeur Mor Ndiaye, chef du service de médecine du travail à la Faculté de médecine et de pharmacie de Dakar

« Dans le cadre du Covid-19, c’est une peur généralisée. (Celle-ci) va s’accompagner d’un repli sur soi. Les gens vont se mettre à beaucoup plus fumer, parfois, ils deviennent beaucoup plus violents. C’est pour cela qu’avec ce confinement, on se rend compte qu’il y a beaucoup plus de couples qui volent en éclat du fait de cela. Ensuite, les gens deviennent sédentaires, ils ne font plus du sport. Du fait du stress, ils mangent mal. Et, ils ne dorment pas bien, manquent de sommeil réparateur. Tout ceci va déboucher sur des maladies chroniques comme le diabète, l’hypertension, l’obésité. Et maintenant, du fait que tu es malade, tu ne peux plus aller convenablement au travail avec cette situation de Covid-19, où également les gens sont en télétravail. Les entreprises ne gagnant plus d’argent ne peuvent plus payer leurs salariés. Ceci va entraîner le stress économique. Tout stress va déboucher sur une conduite addictive : tabac, alcool, drogue, etc. »

L’IMPACT SUR LA SANTÉ MENTALE DES TRAVAILLEURS

« Cela va forcément impacter sur la santé mentale du travailleur. D’ailleurs, des satellites ont été mises en place pour prendre en charge cet aspect psychologique qui est fort important. Quand il y a quelque part un malade qu’on déclare positif au coronavirus, déjà il y a une sorte de peur psychologique qui s’installe autour du personnel de santé. Ce n’est pas spécifique au Sénégal, c’est partout dans le monde. Parce que quand quelqu’un est stressé non seulement il faut le soutenir sur le plan social mais également sur le psychologique. Ça, c’est fondamental. »

DES RISQUES DE BURN OUT ?

« Le burn out, c’est lorsque le stress est poussé à des niveaux où le travailleur ne peut plus faire face. Pour que le stress survienne, il y a deux aspects : soit il y a une pression psychologique tellement importante, et le travailleur a une faible latitude de décision. C’est-à-dire un travailleur qui est dans son bureau, assis, qui a un important lot de tâches à faire, et qu’à côté son patron est en train de l’appeler toutes les cinq minutes, ça constitue une pression psychologique importante. Il y a forcément apparition de stress. Également, quand quelqu’un fait un bon travail, et que derrière, il n’y a pas de récompense, qui n’est pas que pécuniaire même un petit mot, ça joue sur la psychologie. Donc, le burn out, c’est lorsque l’individu ne se sent plus capable d’affronter ce genre de situation. L’image qu’on donne, c’est comme une bougie qui se consume jusqu’à la fin. »

« LE STRESS, C’EST TRÈS COMPLIQUÉ »

« C’est le stress-psycho-traumatique qui figure dans les tableaux des maladies professionnelles mais le stress est multifactoriel. Le travailleur appartient à une famille, et des gens restent tard au travail parce qu’ils ont des problèmes de ménage. Il appartient également à une entreprise. Là-bas aussi, il peut avoir un patron, des collègues ou un mode de management du travail qui ne lui conviennent pas. Tu appartiens également à une communauté où tu peux subir des pressions sources de stress. C’est pourquoi, il faut toujours avoir une approche globale du stress. C’est pour cela que c’est difficile de le classer comme maladie professionnelle. »

UN ACCOMPAGNEMENT SPÉCIFIQUE POUR LE PERSONNEL DE SANTÉ

« Il faut dire que le personnel de santé paie un lourd tribut dans cette lutte contre la maladie à Covid-19. Il est important de les rassurer mais surtout de veiller à ce qu’ils ne manquent pas de moyens de protection. C’est un des aspects importants. Il faut les sensibiliser, les informer, les former, mettre en place des airs de discussions qu’on s’écoute mais avec une certaine distanciation sociale. De toutes les façons, le personnel de santé ne peut pas se débiner. On est au front, on restera au front qu’il pleuve, ou qu’il vente. C’est ça, notre sacerdoce. »


LA RECETTE DU BONHEUR AU TRAVAIL

« Le bien-être au travail, c’est un état d’esprit, qui renvoie à la psychologie. C’est un terme qui a beaucoup évolué. Dans le temps, on parlait de qualité de vie. Maintenant on parle de bien-être. Et dans le milieu anglophone, on parle de bonheur au travail. Quoi qu’il en soit il faut qu’il y ait un sentiment d’accomplissement, une satisfaction au travail. Et ceci va regrouper plusieurs aspects : la rémunération, la bonne santé au travail, l’accomplissement de soi, et surtout la qualité de vie ».

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