Stratégie de lutte contre le Covid-19 : L’État prescrit une injonction paradoxale

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Les citoyens sont priés de rester chez eux et sommés de ne pas circuler durant les heures du couvre-feu. Une stratégie de la double contrainte que l’Etat a décidé d’instaurer pour lutter contre la propagation du coronavirus.

Plus de 60 ans après, les travaux de l’école de communication de Palo Alto sont usés au-delà des continents. Dans la lutte contre la pandémie coronavirus au Sénégal, l’Etat du Sénégal épouse la démarche de l’école californienne, à défaut de prononcer des mesures plus drastiques. En décrétant l’Etat d’urgence, le président de la République met le citoyen face à un dilemme : il lui est conseillé de rester chez lui alors qu’il lui est intimé en même temps l’ordre de rentrer avant 20h dans le cadre du couvre-feu. En adoptant cette posture, l’Etat est dans une logique de semi-confinement. Les résultats du premier jour de couvre-feu sont viraux dans les réseaux sociaux. Des policiers qui matent les récalcitrants. Dans les jours à venir, on saura si cette méthode est fructueuse, mais elle ne manque de susciter des réactions. A l’hôpital Aristide Le Dantec, des membres du personnel ont été contraints de passer la nuit dans l’établissement sanitaire. Alors qu’on loue le dévouement du personnel de santé, il leur est interdit de se retrouver dans la rue entre 20h et 6h du matin, même pour rentrer du travail. Un modèle de communication qui mène à la double contrainte.
Formulée en 1956 dans un article intitulé «Vers une théorie de la schizophrénie», la double contrainte est cependant une forme de communication qui pourrait produire des effets dissuasifs auprès des populations. D’après les auteurs qui l’ont théorisée, «c’est une paire d’injonctions paradoxales consistant en une paire d’injonction explicites à quelqu’un qui ne peut en satisfaire une sans violer l’autre». Dans le cas sénégalais, le ministère de l’Education nationale est en train d’adopter cette démarche. Depuis la fermeture des écoles, les services de Mamadou Talla envisagent de mettre en place des cours en ligne ou le modèle e-learning. Une idée qui devrait permettre de préparer les examens de fin d’année, mais aussi de confiner les apprenants chez eux. Cependant, c’est un euphémisme que de dire que l’internet n’est pas disponible partout au Sénégal. Il faudra d’abord régler la question du maillage territorial relatif au réseau internet.

Au nom de l’État d’urgence…
S’accrocher à deux ordres impossibles à exécuter risque aussi de se produire dans le secteur des transports. Dans ses mesures, le ministre des Transports terrestres a beau réduire le nombre de passagers dans les bus et cars. N’empêche, aussi minime soient-ils, des rassemblements auront lieu. Est-ce que tous les bus qui circulent auront la possibilité d’octroyer à chaque client des masques et gants, en plus du gel alcoolisé ? Avec des chiffres d’affaires en baisse, les transporteurs seront-ils en mesure de mettre tous les passagers dans de telles conditions de lutte contre le Covid-19. Tout un ensemble de paradoxes que l’Etat doit gérer, non sans réactions parfois violentes de la part des populations. Mais dans cette théorie de la double contrainte, l’autorité peut toujours invoquer le troisième ordre qui entre enjeu. Il s’agit de la notion qui interdit la désobéissance et tout commentaire sur l’absurdité de cette situation : l’Etat d’urgence.

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