Reportage / Fausse couche ou avortement : Plongeon dans un drame pas si souvent raconté

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Surprenant, trois avortements subis par une femme!



Elle n’oubliera jamais ses expériences cauchemardesques. Âgée de 42 ans aujourd’hui, Fatou Mbaye n’a pas eu le bonheur d’accoucher ses bébés. Cette femme n’a toujours pas de descendants. Elle raconte avec tristesse : « j’étais la deuxième épouse d’un émigré qui vivait en Italie. Je ne pensais pas que ce fut notre dernier échange téléphonique. Je ne présageais pas qu’il m’arriverait un malheur, la surprise de ma vie. Discutant avec ma mère, on m’annonce le décès de mon époux au bout du téléphone. Ce fut comme une hallucination. C’est sa voiture qui est rentrée en collision avec un camion. Je criais de partout et j’avais des vertiges et un mal de ventre atroce », raconte la malheureuse qui s’est confessée à Dakaractu.



Poursuivant sa narration, « mes frères m’ont emmenée à l’hôpital. Après consultation, le médecin avec un visage pâle et désolant m’annonce la mauvaise nouvelle : tu as perdu ton bébé causé par le choc de la mort de ton époux ».



Cette grande dame s’était remise de cette situation et quelques années plus tard, elle se remaria à un ingénieur. Mais le destin ne lui fera pas cadeau encore une fois. « J’ai vécu encore deux autres avortements dans ce mariage. Ce qui fait trois avortements subi pour des raisons que je ne saurai vous dire. Maintenant je m’en remets à Dieu ».



« J’apprends à la fois ma grossesse ET mon avortement »



Une autre victime qui a vécu cette expérience. Son nom, Ndèye Coumba Dièye. Une jeune femme de 25 ans mariée à un émigré qui vit en Belgique. Un matin très tôt, alors qu’elle faisait le ménage, elle vit du sang couler entre ses cuisses. Elle raconte…



« Alors que je passais la serpillière pour lustrer les carreaux de la maison, du sang coulait le long de mes cuisses. Je criais de partout le nom de ma belle-mère pour qu’elle me vienne en aide. Quand elle a vu le sang, elle eut peur et m’emmena illico presto à l’hôpital. Sur le chemin, elle appela ma mère pour l’informer.

À l’hôpital, le médecin m’examine et m’annonce que j’étais enceinte de deux mois. J’apprends à la fois ma grossesse et mon avortement. C’était une double surprise. Je ne pouvais supporter cette nouvelle et me suis mise à pleurer. Je pensais sans cesse à mon mari et au choc qu’il aura en apprenant cette nouvelle. Pour moi, cet enfant aurait pu remplacer le vide que mon mari m’a laissé, il aurait pu être mon « wéteul. »



C’était vraiment triste se souvient Ndèye Coumba. Elle reçoit courageusement tous ses soins médicaux, mais est atteinte psychologiquement.




Docteur Abdoulaye Diop, gynécologue et obstétricienDocteur Abdoulaye Diop, gynécologue et obstétricienLe Docteur Abdoulaye Diop, gynécologue et obstétricien, que nous avons rencontré, a fait savoir que lorsqu’on fait trois fausses couches, on arrive à ce qu’on appelle la maladie abortive. Les chances d’avoir un enfant ou de tomber enceinte diminuent de 50% ». « Il n’y a pas de traitement pour un avortement mis à part les cas qui sont dus à une infection ou bien lorsque la fausse couche a tendance à récidiver ou lorsque la cause est reconnue », a-t-il indiqué. « Lorsque les fausses couches se répètent, là, c’est pathologique, quand on les subit deux à trois fois ça veut dire qu’il y’a un problème, et là, un bilan étiologique est obligatoire avec plein d’examens complémentaires pour savoir qu’elle est la cause », nous dira-t-il.



« 50% des femmes vont faire au moins une fausse couche durant leur vie »



Nombreuses sont les sénégalaises qui ont vécu cette situation désastreuse et petit à petit le phénomène se propage et selon le docteur Diop, «10 à 15% des grossesses aboutissent à une fausse couche et c’est quasiment naturel ». Pourtant, il ne devrait pas y avoir de quoi s’inquiéter. Si l’on en croit le gynécologue, les fausses couches font pleinement partie de la vie procréative d’une femme. « Avoir une fausse couche dans sa vie est pratiquement normale. 50% des femmes vont faire au moins une fausse couche durant leur vie. Ça ne pose pas de problème. Pour les médecins qui y sont confrontés tous les jours, les fausses couches sont banales, voire positives, puisqu’elles veulent dire qu’une sélection naturelle s’opère. »



Elle avait perdu tout espoir : « J’ai pensé que je suis devenue stérile »



Mais la perception n’est pas là même chez les victimes qui vivent ces instants comme une catastrophe. Une fois que la femme apprend sa grossesse, elle commence à se préparer psychologiquement à l’accueil de son bébé. Elle change d’habillement, d’alimentation (suce du tamarin ou des noix de caba « maad », achète des habits pour le futur bébé, veut connaître le sexe du bébé. Bref toutes ces petites choses qui accompagnent la grossesse dans l’attente d’un heureux événement. Voir toute cette procédure s’achever est dur à accepter psychologiquement. Madame Dièye ne démentira pas ces propos. Deux ans après avoir eu une fausse couche, elle retomba enceinte. Et comme si le destin s’acharnait contre cette femme mariée, elle refait une autre fausse couche. C’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, « c’était insurmontable ». Elle avait perdu tout espoir. « J’ai pensé que je suis devenue stérile, que je n’allais plus avoir d’enfant. C’était très dur pour moi. Heureusement, j’ai eu le soutien mon mari, parce que être seule dans ces moments n’est pas recommandée, tu risques de déprimer ».

Reportage / Fausse couche ou avortement : Plongeon dans un drame pas si souvent raconté

Ainsi, il est légitime de se poser la question pourquoi on a fait une fausse couche?



Il existe plusieurs causes de fausses couches d’après le docteur Abdoulaye Diop qui détaille : « mis à part les fausses couches provoquées qui sont interdites par la loi, la cause la plus fréquente et qu’on rencontre le plus souvent c’est ce qu’on appelle les aberrations chromosomiques. C’est à dire que si les chromosomes maternels et paternels se sont mal mélangés par la loi du hasard et que l’enfant risque d’avoir des malformations, le corps élimine lui-même l’embryon et c’est spontané.

Ensuite, les fausses couches d’origine infectieuse. Certaines maladies, certaines infections génitales, notamment des infections dues à des microbes comme la chlamydia ou le mycoplasme entraînent des fausses couches. Ils entraînent aussi des grossesses extra-utérines, parfois même peuvent boucher les trompes et empêcher d’avoir des enfants.

Les fausses couches peuvent être dues aussi à d’autres pathologies telles qu’une anémie sévère ou bien une hypothyroïdie. Des malformations sur l’utérus ou bien des fibromes de type 0 ou de type 1 situés dans la cavité utérine qui doit contenir le bébé, peuvent être la cause d’une fausse couche en gênant l’implantation du fœtus ou bien en gênant la progression de la grossesse.



À part les causes d’avortement avancées par les scientifiques il y a d’autres qui sortent du naturel. C’est la thèse du marabout et tradipraticiens Cheikh Omar Diop, selon lui, d’autres aspects qui dépassent notre entendement peuvent être causes de fausse couche.



Cheikh Omar Diop tradipraticien

« Les Cheytanes peuvent causer un avortement »



« Il faut savoir que l’être humain traversera un long parcours avant de venir au monde. À chaque avortement, toute l’humanité doit savoir qu’elle a perdu un être humain, parce qu’on ne saurait son utilité dans le monde. Donc la femme doit bien prendre soin de sa grossesse pour éviter ce phénomène de fausse couche. En outre, nous sommes des africains et particulièrement des sénégalais et nous avons des réalités, des mythes qui accompagnent notre vie. Il y’en a qui y croient et d’autres pas. Même la science ignore ces choses. Ces réalités sont des « djiins » qui sont des créatures de Dieu. Ils sont les premières créatures sur terre avant l’homme. C’est la raison pour laquelle ils cernent mieux le monde que les êtres humains. Ainsi si la personne ne respecte pas les règles de la religion, les djiins auront facilement accès à elle. »



« Ne pas exhiber la grossesse aux yeux de tout le monde car cela attire les « Cheytanes »



Il poursuit : « la femme mariée doit conserver certaines conditions avant d’avoir un rapport sexuel avec son mari. Si les époux veulent avoir un enfant dans leur ménage, ils doivent appliquer certaines recommandations (des prières qu’ils doivent formuler avant l’acte) pour que les « Cheytanes » n’aient pas accès au rapport pour détruire éventuellement une grossesse désirée. Les « Cheytanes » peuvent intervenir pendant l’acte sexuel pour ne pas que la femme tombe enceinte. Ils peuvent intervenir aussi après qu’elle ait pris une grossesse pour causer un avortement. » Le marabout invite toutes les femmes à se protéger de ces « Cheytanes », de ces « djiins » en couvrant leur corps surtout, ne pas l’exhiber aux yeux de tout le monde car cela attire les « Cheytanes », en ayant foi en Dieu et respecter les heures de prières.



Reportage / Fausse couche ou avortement : Plongeon dans un drame pas si souvent raconté

Les symptômes d’une fausse couche.



Les fausses couches se manifestent par 3 symptômes d’après le Docteur Diop. D’abord les douleurs abdominales, ensuite ce sont les saignements et enfin l’expulsion de petits tissus brunâtres par le vagin ou des caillots de sang. Pendant la grossesse, le risque d’une fausse couche n’est pas à négliger. Il est donc judicieux de prendre soin de soi. Dans certains cas de figure, il est possible de réduire considérablement le risque. Docteur Diop explique qu’il faut faire ses consultations prénatales. Il ajoute que « si l’on a des infections vaginales à répétition, il faut les traiter le plus tôt possible. Une grossesse se prépare.



« Avant de se marier, il faut voir un médecin, faire un point, un examen prénuptial, vérifier si tout est en ordre, connaître son groupe sanguin, ce qui est très important, faire une échographie pour voir si on n’a pas de fibrome, des malformations utérines et faire parfois un bilan sanguin. Voir si l’on n’est pas drépanocytaire, diabétique donc vérifier certaines pathologies comme la syphilis qui sont en général causes de fausse couche ».



La pertinence d’un suivi psychologique



Certaines femmes qui ont vécu cette dure épreuve ont un comportement dépressif. Car la majorité d’entre elles désirent avoir un enfant. Donc selon le psychologue Samba Babou ce comportement est normal. « Elles deviennent confuses, essaient de faire le maximum d’activités quotidiennes pour repousser l’ennui, l’angoisse… Elles ont une faible estime de leur personne, un manque d’énergie dû à la déception. Certaines arrivent même à un état autodestructeur qui peut les pousser au suicide. »

Dans la plupart de ses thérapies, il invite ses patientes à orienter leur croyance en Dieu et qu’elles acceptent d’abord que c’est une dure épreuve qui passera et qui leur permettra de se reconstruire. Ensuite, il incite leurs proches à les soutenir et ne pas les juger : en leur redonnant espoir, en éveillant leur énergie vitale et en les encadrant par l’écoute…

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