Décryptage – Tribunal des flagrants délits : L’asthme, un moyen de défense pour les prévenus de chanvre indien.

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Il n’est pas une semaine sans que la presse ne fasse la Une sur une saisie de drogue. Les dossiers s’étalent au grand jour, à la rubrique des faits divers. Avant ou après avoir atterri au Tribunal des flagrants délits de Dakar, où il ne se passe pas une journée sans qu’une affaire de chanvre indien ne soit jugée. Pour le «Yamba», des prévenus plaident souvent l’usage thérapeutique, mais ne réussissent pas à convaincre le juge.

Sept dossiers de chanvre indien étaient inscrits au rôle d’audience de ce mercredi  19 février 2020. Devant le ballet des prévenus attraits à la barre, Mouhamed Diallo dit «Korka», Moustapha Dieng, Mamadou Aliou Barry, Babacar Ba, Emeka Nwerem, Abdoulaye Thioune, Abdoul Diallo et Pape Souleymane Diagne sont passés pour répondre du même délit.

Dans ces affaires, les prévenus ont écopé de faibles peines, pour la plupart. Ils ont peu ou prou reconnu les faits devant le tribunal. Ici, la requalification d’une offre ou cession en détention de chanvre indien en vue de l’usage est de plus en plus courante. La peine assortie du sursis est parfois conforme aux réquisitions du parquet, qui a enrôlé les dossiers.

Pour se disculper, le mis en cau­se sert très souvent des explications tirées par les cheveux. Des prévenus justifient la présence de cette drogue dans leur poche par des motifs thérapeutiques : une volonté de lutter contre une maladie, l’asthme. Fumer de l’herbe à des fins thérapeutiques est un alibi qui ressurgit régulièrement à la barre du Tribunal de grande instance (TGI) statuant en matière de flagrants délits.

«Je fume du chanvre indien pour surpasser mes crises d’asthme, c’est ce qu’ils déclarent souvent à la barre…»

Comme s’ils s’étaient donné le mot, l’asthme est sans doute la maladie dont souffrent tous les prévenus jugés pour détention et usage de chanvre indien. « Je fume du chanvre indien pour surpasser mes crises d’asthme, c’est ce qu’ils déclarent souvent à la barre du tribunal. Ils l’évoquent souvent pour se tirer d’affaire. C’est leur seul argument lorsque les faits sont constants », explique Me Ndiaga Dabo, avocat à la Cour.  

Mohamed Niang, Mamadou Senghor, Martial Sané et Mouhamed Diédhiou : Ce sont les noms des étudiants arrêtés le 15 novembre 2018 en possession de chanvre indien à l’Ucad. Devant le tribunal, ces prévenus avaient plaidé coupables et ne manquaient pas d’arguments en reconnaissant les faits pour lesquels ils étaient poursuivis. Le joint est pour l’un des prévenus, « source d’inspiration », afin de « mieux assurer les révisions de fin d’année ». «Ça me réconforte», soupirait-il, à l’époque.

Une affaire parmi tant d’autres cas de détention et d’usage de chanvre indien, qui de plus en plus met en cause des jeunes de tout âge. Qu’il s’agisse des hommes comme des femmes, les faits sont constants, et «les indices de criminalité sont apparents». Et, des prévenus invoquent très souvent «l’état de nécessité», à la recherche de circonstances atténuantes.

Pourquoi certains prévenus justifient leur usage de chanvre indien par une volonté de lutter contre l’asthme ? 

L’avocat Me Baba Diop expliquait dans les colonnes du journal Le Quotidien, il y a quelques années : «Ce sont des conseils reçus en prison. Les prévenus de détention et d’usage de chanvre indien l’invoquent parfois pour amener le juge à avoir plus de compassion à leur égard. Ils (les prévenus) cherchent des circonstances atténuantes. Mais, c’est un moyen de défense inopérant.»

Dans les cas de détention et d’offre ou cession de drogue en vue d’une consommation personnelle, les juges du Tribunal des flagrants délits de Dakar ne prennent en compte que les circonstances atténuantes prévues par le Code des drogues. Les prévenus de chanvre se savent attendus au tournant. Et, ils sont nombreux à prendre l’engagement solennel devant le tribunal de ne plus s’adonner à l’usage de chanvre indien. Un engagement qui peut parfois atténuer la peine…

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